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Quelques raisons pour croire en Dieu

29 août 2012

La question de l’existence de Dieu n’est pas un simple passe-temps intellectuel. Quelle que soit la réponse, elle a un impact décisif sur notre vie.

1. Pourquoi se casser la tête pour savoir si Dieu existe ?

A ce propos, un philosophe sophiste de l’Antiquité disait déjà : « la question est obscure et la vie de l’homme trop courte ». Alors, faut-il vraiment se torturer l’esprit ?

Il est vrai que la vie est courte, surtout si on la compare avec l’état qui suit la mort, un état qui, quel qu’il soit, sera toujours éternel. Mais toute ma vie, présente et future, prend un tour totalement différent selon que Dieu existe ou pas. Ignorer la question de Dieu c’est donc faire preuve d’une certaine myopie ou légèreté intellectuelle.

2. Mais peut-on réellement trouver une réponse claire à la question sur Dieu ?

D’après la Bible, le Dieu des chrétiens est un Dieu caché (cf. Is 45, 15). Il a établi des marques sensibles pour se faire connaître, mais les a couvertes de telle sorte qu’elles ne seront aperçues que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur, disait Pascal (cf. Pensées, éd. J. Chevalier, n. 335). Parce que Dieu ne veut pas forcer notre adhésion, mais gagner notre amour.

3. Où pouvons-nous trouver ces marques sensibles ?

La réponse classique est : « dans la voûte étoilée », c’est-à-dire dans la contemplation de l’univers. On trouve aussi la trace de Dieu à l’intérieur de chaque être humain, comme saint Augustin l’a exprimé de façon magistrale : « Tu nous a faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose en Toi » (Confessions 1, 1).

4. Pourquoi ce repos, ce bonheur serait-il précisément en Dieu ?

Un bonheur complet doit être plénier et pour toujours, sans la moindre crainte de perdre cette félicité. Dans cette optique, la mort constitue un obstacle au bonheur. Par ailleurs, le bonheur ne peut résider dans la possession de biens particuliers (richesse, honneurs, etc.) qui ne peuvent être détenus que par des personnes ou des groupes particuliers, et deviennent en outre sources de conflit. Le bonheur doit surgir d’un bien qui peut être possédé en plénitude et par tous. La foi en Dieu est un bien qui répond à ces caractéristiques : il serait par conséquent déraisonnable de l’écarter a priori en tant que source de bonheur.

Par ailleurs, notre volonté ne connaît pas de limite dans son aspiration au bien : elle est telle qu’elle aspire au bien infini. Or tous les biens particuliers sont finis. Seul Dieu est le Bien absolu capable de combler toutes les aspirations de la volonté et du cœur.

5. Cela ne prouve pas l’existence de Dieu.

En effet, il se peut que l’homme ne soit qu’une « passion inutile », comme dit Sartre, un être voué à la frustration. N’y a-t-il pas d’autres motifs ancrés dans la nature humaine qui nous poussent à croire en Dieu ?

Un autre motif est l’existence de la conscience morale, d’une obligation universelle et inconditionnée de faire le bien et d’éviter le mal, même si cela suppose d’agir contre notre propre intérêt. Cette loi morale, intrinsèque à notre nature, d’où vient-elle ? Parce qu’elle nous précède, elle est au-dessus de nous, et elle se trouve dans toutes les personnes de toutes les civilisations au long de l’histoire.

6. Et quelles preuves l’univers fournit-il de l’existence de Dieu ?

L’existence même de l’univers est le point de départ le plus classique pour montrer qu’il y a un Dieu. Si, en nous promenant dans la campagne — disait Paley, un apologiste britannique, il y a quelques siècles —, nous trouvons par exemple une montre, nous ne pensons pas qu’elle s’est faite toute seule, mais nous nous demandons : qui a réalisé ce mécanisme ? De façon analogue, quand nous regardons la « voûte étoilée », nous nous exclamons : d’où vient cette merveille ? Qui l’a faite ? Depuis les origines de l’humanité jusqu’à nos jours, la réponse presque unanime des hommes est : Dieu. Seul un être tout puissant a pu donner origine à cette merveille.

Suivant une théorie scientifique très en vogue depuis les années 1930, notre univers serait le fruit de la grande explosion (Big Bang) d’un « atome primitif » il y a quelque 15.000 millions d’années. Cette théorie s’accorde assez bien avec l’idée de création.

7. Des scientifiques parlent toutefois d’états antérieurs au Big Bang et même d’une possible auto-création de l’univers.

Pour ce qui est des théories scientifiques sur l’origine de l’univers, comme le Big Bang, de possibles états de la matière avant cette explosion, ou d’hypothèses sur l’existence d’un nombre infini d’univers, il faut laisser la parole exclusivement à la science.

Une autre question se pose quand on parle d’auto-création de l’univers. Sur ce point, le bon sens et la philosophie nous disent qu’une création sans créateur contredit la raison. Si à « un certain moment » il n’y avait rien, même pas Dieu, jamais il n’y aurait eu quelque chose. Ex nihilo nihil fit : de rien, rien ne surgit, enseigne un vieux dicton philosophique. C’est l’évidence même : tout ce qui commence doit prendre son origine de quelque chose qui le fait commencer, disait Thomas d’Aquin. Seul un Dieu éternel et tout puissant peut créer, faire surgir l’être du néant, mettre en route la grande « machinerie » de l’univers, telle que nous la connaissons.

8. Ne peut-on penser que l’univers est éternel ?

On ne peut démontrer ni que l’univers est éternel, ni le contraire. Sur ce point, la philosophie n’a pas de réponse définitive. Mais, de toute façon, cette question est accessoire. La vraie question est de savoir si l’univers est nécessaire ou contingent. Pour être nécessaire, l’univers devrait avoir en lui-même sa raison d’être. Mais l’univers est productible et corruptible. Il pouvait ne pas exister. Cela veut dire qu’il n’a pas en lui-même la raison de son existence. Et donc, comme, de fait, il existe, c’est qu’il a été engendré. Et s’il a été engendré, il faut qu’au début de l’enchaînement de causes qui président à son origine, il y ait un être nécessaire, sans quoi l’univers n’existerait pas. Cet être nécessaire est, par définition, Dieu.

9. Cet argument a sa force mais il reste très abstrait. N’y a-t-il pas d’autres raisons pour montrer l’existence de Dieu à partir de l’univers ?

Il y a au moins une deuxième raison, qui est plus facile à capter. Nous voyons que la nature, l’univers, possède un ordre intrinsèque, une régularité, une intelligibilité que notre raison découvre (soit dit en passant : pourquoi notre intelligence est-elle en syntonie avec la nature non rationnelle ?) et formule en lois qui constituent les sciences de la nature : la physique, la chimie, la biologie, etc.

Comment expliquer qu’une nature matérielle, non rationnelle, se comporte toujours de façon régulière ? Comment un processus non intelligent, non intentionnel, peut-il donner lieu à un ordre rationnel ? Comment, à partir du chaos initial et du Big Bang, une évolution guidée par le hasard peut donner lieu à un monde si ordonné que le nôtre ? En d’autres mots : dans le processus évolutif de l’univers, la rationalité doit-elle exister préalablement ou peut-elle être le résultat de forces automatiques aveugles ?

Dans la Bible, on peut lire : « Au commencement était le Logos » (Jn 1, 1), l’Intelligence. « A travers la rationalité de la Création, Dieu lui-même nous regarde » (J. Ratzinger, Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, p. 34). Par contre, la phrase « Au commencement était la matière » nous placerait devant une énigme : comment la matière, non intelligente par définition, pourrait-elle expliquer l’origine de la merveille de l’univers, tel que nous le connaissons ?

10. Mais on pourrait dire que l’univers a évolué grâce à des lois inscrites dans la matière ?

Evidemment. Mais alors se posent les questions suivantes : pourquoi ces lois existent-elles ? Qui les a placées dans la matière ? La science n’est pas compétente pour répondre à ces questions. Il s’agit de questions philosophiques. Et la philosophie ne trouve pas d’autre réponse que celle donnée à la question précédente.

On pourrait aussi imaginer que tout le grand processus évolutif, de l’origine de l’univers à nos jours, est programmé, comme le dit une bonne partie du monde scientifique. D’accord, mais qui est « l’ingénieur » , le « concepteur » de ce programme ?

11. Et comment expliquer l’origine de la vie ?

Il s’agit d’une question strictement scientifique, qui, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ne pose pas de problèmes particulier sur le plan philosophique ou religieux. Si la science devait démontrer un jour, comme on le croyait au Moyen-âge et comme beaucoup le pensent aujourd’hui, que la vie a surgi de la matière de façon spontanée, sans intervention divine, cela ne soulèverait aucune difficulté sur le plan de la foi.

A l’heure actuelle, beaucoup d’hommes de science sont assez perplexes à propos de cette question, parce qu’ils constatent que l’existence de la vie sur notre planète provient d’un concours extraordinaire de circonstances. En premier lieu, afin que notre univers soit stable et puisse contenir des formes de vie complexes, il faut que soient réunies une série de constantes. Celles-ci doivent avoir des valeurs tellement précises qu’une variation même infime aurait modifié totalement l’évolution de notre univers : il aurait probablement connu soit un effondrement rapide dans un trou noir, soit une expansion rapide et éternelle car trop peu dense pour la formation d’étoiles et de planètes. A titre d’exemple, la constante physique qui règle la force gravitationnelle possède exactement la valeur précise qui permet la formation d’un univers complexe propice à la vie. En outre, la terre est un paradis pour la vie grâce à la composition de son atmosphère, à la présence de la couche d’ozone, à l’inclinaison de l’axe terrestre, etc.

En conclusion, l’existence de formes supérieures de vie sur la terre est le fruit de la coïncidence de très nombreux facteurs renvoyant en dernier ressort à l’univers primitif. On appelle cela le « principe anthropique », pour signifier que l’univers semble projeté pour accueillir la vie humaine. Hasard hautement improbable ou providence divine ?

12. Peut-on dire que l’homme est le fruit de l’évolution des formes inférieures de vie ?

C’est en tout cas ce que de nombreux hommes de science affirment depuis Darwin. A ce propos, la foi chrétienne enseigne que chaque homme a une âme spirituelle et immortelle, et qu’il a été créé directement par Dieu à son image et selon sa ressemblance (cf. Gn 1, 26) ; on imagine difficilement que la conscience puisse être un produit de la matière.

Sur la question de savoir si le corps humain a aussi été créé directement par Dieu ou s’il est le fruit de l’évolution du corps d’espèces animales, l’Eglise laisse la réponse à la science.

13. Comment concilier la création de l’homme par Dieu avec tout le mal qu’il y a dans le monde ?

C’est précisément parce que Dieu nous a créés à son image et selon sa ressemblance que nous sommes libres. C’est le bon ou le mauvais usage de cette liberté qui produit tant de bien et de mal dans le monde. On pourrait dire que, tant que dure l’Histoire, Dieu réfrène sa toute puissance pour permettre le jeu de notre liberté.

Par ailleurs, notre soif de justice nous fait pressentir que l’injustice ne peut être le dernier mot de l’Histoire. Il doit y avoir un Dieu qui rétablit la justice à la fin des temps. Ce jugement dernier devrait révoquer aussi les injustices du passé, de toute l’histoire humaine, et exigera par conséquent la résurrection des morts. Il est bien évident que ce genre d’affirmations ne prétend pas expliquer la coexistence d’un Dieu bon et tout puissant avec le « mystère d’iniquité », mais elles essaient de donner un certain sens à l’existence du mal. Sans un Dieu, le mal rendrait notre vie insupportable.

14. Mais que dire de la souffrance qui ne vient pas de la liberté humaine : les catastrophes naturelles, les maladies, etc. ?

Dans la Bible, nous lisons que la création doit être libérée de la servitude de la corruption, de la même manière que nous sommes dans l’attente de la rédemption de notre corps (cf. Rm 8, 18-23). Dieu n’a pu vouloir ce monde dans son état actuel. Les maux physiques que nous endurons doivent avoir une autre origine : dans notre faute originelle, dans la chute des anges, sans que, avouons-le, nous puissions trouver une réponse définitive à ce mystère du mal.

Les chrétiens croient cependant que l’univers retrouvera ces « cieux nouveaux et cette terre nouvelle » (cf. Ap 21, 1) dans le monde que Jésus a inauguré par sa résurrection.

15. En définitive, l’existence de Dieu reste toujours entourée d’un halo de mystère.

Les raisons pour croire en Dieu ont un poids important. Il semble plus difficile d’être athée que de croire en Dieu. L’athéisme suppose de croire (il s’agit aussi d’un acte de foi) que la matière s’est auto-créée et auto-organisée, et qu’elle a ensuite donné origine à la vie et à la conscience. On peut aussi adopter l’attitude agnostique, selon laquelle on ne peut savoir rationnellement si Dieu existe ou non. A première vue, cela peut paraître intelligent, mais c’est finalement impossible sur le plan pratique : notre existence quotidienne exige d’agir, et très souvent les choix fondamentaux seront différents pour un croyant en Dieu que pour un croyant dans la matière, sans laisser d’espace à un choix agnostique. L’expérience montre que les agnostiques agissent le plus souvent comme si Dieu n’existait pas.

Les raisons pour croire en Dieu ne s’imposent pas de façon définitive à notre intelligence : « il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire » (Pascal). Le christianisme ne consiste pas en la recherche d’un Dieu enveloppé dans le mystère, mais dans l’acceptation d’un Dieu qui s’est révélé dans l’humilité de notre chair. Il faut l’humilité de notre raison pour accueillir l’humilité de Dieu. La foi est un don qu’il faut demander.

16. Doit-on conclure qu’il n’y a pas d’argument définitif pour démontrer l’existence de Dieu ?

Il ne faut pas prétendre trouver un argument décisif pour prouver l’existence de Dieu. D’après Newman, il vaut mieux s’appuyer sur un faisceau d’indices et de probabilités, même s’ils ne réussissent pas à satisfaire les exigences d’une argumentation scientifique. Car la certitude n’est pas une impression que mon esprit reçoit passivement de l’extérieur, comme forcé par les arguments, mais une reconnaissance active de la vérité d’une proposition. Quiconque raisonne doit faire sa synthèse propre d’arguments qui, ensemble, forment une conviction personnelle. Chacun doit rechercher avec tout son coeur et avec humilité.

17. Mais alors, comment les premiers chrétiens ont-ils fait pour convertir le monde païen ?

Il est certain que les premiers chrétiens ont dû développer toute une apologétique, à savoir une défense rationnelle des présupposés de la foi. Les chrétiens de toutes les époques, aussi ceux d’aujourd’hui, doivent faire de même. Cette apologétique, comme dans les premiers siècles, ne cherchera pas uniquement les arguments philosophiques qui conduisent à un Dieu présenté comme le Tout-puissant, mais aussi à un Dieu qui est Amour, puissance d’Amour créatrice (cf. J. Ratzinger, Foi chrétienne hier et aujourd’hui, p. 88).

La force de conviction des premiers chrétiens se situe dans la même ligne : leur foi solide jusqu’au martyre et leur amour fraternel. « Regardez comme ils s’aiment », disaient les païens. Pour que le message du christianisme continue de féconder le monde, il faut que nos contemporains voient dans les chrétiens d’aujourd’hui la même foi et le même amour.

 

Emmanuel Cabello est prêtre, Docteur en Sciences de l’Education et en Théologie.

Voir aussi Y a-t-il un grand architecte dans l’univers et L’homme peut-il créer la vie ?