En 1822, le troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson, avait prédit la mort du christianisme traditionnel. « J’espère, écrivait-il à un ami, qu’il n’y a pas un jeune homme vivant actuellement aux États-Unis qui ne mourra pas en tant qu’unitarien. » Il voulait dire par là que personne ne croirait en la divinité du Christ et n’accepterait l’autorité d’une église.
Deux siècles suffisent à prouver à quel point il se trompait. Malgré les scandales, les querelles et la confusion, les Américains sont toujours plus ou moins religieux. Et le christianisme a toujours autant de pouvoir pour attirer des convertis intelligents et sincères.
Le dernier signe en date est l’annonce par Ayaan Hirsi Ali qu’elle est devenue chrétienne.
Hirsi Ali est l’une des intellectuelles les plus impressionnantes sur la scène publique des États-Unis aujourd’hui. Au cours du week-end, elle a publié un essai dans Unherd, un magazine britannique en ligne, sous le titre « Why I am now a Christian » (Pourquoi je suis maintenant une chrétienne). Il s’agit d’une référence expresse au célèbre essai de Bertrand Russell de 1927 intitulé « Pourquoi je ne suis pas un chrétien ».
Son parcours intellectuel est étonnant.
Elle est née en Somalie en 1969 et a été élevée comme musulmane au Kenya. Au lycée, elle a rejoint les Frères musulmans, convaincue par leur interprétation féroce de l’islam. Elle a laissé l’islam derrière elle lorsque sa famille a émigré en Europe. Elle s’est installée aux Pays-Bas, a appris le néerlandais et est devenue membre du Parlement néerlandais. Après le 11 septembre, elle est devenue athée et a critiqué le traitement des femmes dans les sociétés musulmanes. Elle écrit le scénario d’un court-métrage sur le sujet, mais le réalisateur, Theo van Gogh, a été sauvagement assassiné par un musulman fanatique. Sa propre vie étant menacée, elle a fini par s’installer aux États-Unis où elle a fait carrière en tant que critique de l’islam et de la culture woke et comme championne de la liberté d’expression. Elle a été présentée comme une star du mouvement des « nouveaux athées ». Dans Unherd, elle écrit :
J’ai également trouvé un tout nouveau cercle d’amis, aussi différents des prédicateurs des Frères musulmans qu’on puisse l’imaginer. Plus je passais de temps avec eux — des gens comme Christopher Hitchens et Richard Dawkins —, plus j’étais convaincue d’avoir fait le bon choix. Car les athées étaient intelligents. Ils étaient aussi très amusants. Alors, qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi est-ce que je me dis chrétienne maintenant ?
Dans son bref essai, elle donne deux raisons.
Premièrement, le christianisme est le seul rempart efficace contre « trois forces différentes mais liées : la résurgence de l’autoritarisme et de l’expansionnisme des grandes puissances sous la forme du Parti communiste chinois et de la Russie de Vladimir Poutine ; la montée de l’islamisme mondial, qui menace de mobiliser une vaste population contre l’Occident ; et la propagation virale de l’idéologie woke, qui ronge les fibres morales de la prochaine génération ».
Toutes les valeurs que les Occidentaux chérissent, dit-elle, ont leurs racines dans la chrétienté — la dignité humaine, l’État de droit, la liberté, la recherche scientifique, l’éducation…
Cette liberté de conscience et d’expression est peut-être le plus grand bienfait de la civilisation occidentale. Elle ne vient pas naturellement à l’homme. Elle est le fruit de siècles de débats au sein des communautés juives et chrétiennes. Ce sont ces débats qui ont permis de faire progresser la science et la raison, de réduire la cruauté, de supprimer les superstitions et de mettre en place des institutions pour ordonner et protéger la vie, tout en garantissant la liberté au plus grand nombre.
La deuxième raison est d’ordre personnel et spirituel :
Je me suis également tournée vers le christianisme parce que j’ai fini par trouver que la vie sans aucun réconfort spirituel était insupportable, voire presque autodestructrice. L’athéisme n’est pas parvenu à répondre à une question simple : quel est le sens et le but de la vie ?
La foi retrouvée de Hirsi Ali n’en est qu’à ses débuts. Elle dit qu’elle en apprend un peu plus chaque dimanche à l’église. Elle laisse les lecteurs de son essai dans l’ignorance quant à l’église dont il s’agit et à la personne qui l’y a amenée. Son mari, l’historien Niall Ferguson, s’est décrit comme athée. Mais il a déclaré sur X (anciennement Twitter) qu’il soutenait pleinement sa décision.
Mais croire que le christianisme est bon pour la société n’est qu’un premier pas vers la foi en Jésus-Christ. Comme l’a écrit Benoît XVI : « Être chrétien n’est pas le résultat d’un choix éthique ou d’une idée noble, mais la rencontre avec un événement, une personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et une orientation décisive ».
Peut-être Ayaan Hirsi Ali a-t-elle encore un long chemin à parcourir pour comprendre le christianisme. Mais au moins a-t-elle laissé derrière elle le feu de l’enfer et la haine de l’islamisme, l’égocentrisme du wokisme de la génération snowflake [les jeunes adultes, émotionnellement labiles, des années 2010, NDT] et le rationalisme fallacieux de l’athéisme. Elle est sur la bonne voie.
Michael Cook est rédacteur en chef de Mercator. Source : https://www.mercatornet.com/one_of_the_world_s_most_famous_atheists_becomes_a_christian. Ce texte a été traduit de l’anglais par Stéphane Seminckx.