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Eluana ne devait pas mourir

24 novembre 2009

Ce printemps, un débat a fait rage dans la presse internationale sur le cas d’Eluana Englaro, une jeune femme italienne euthanasiée après être restée dix-sept ans dans le coma.

 

Dans un article d’opinion publié dans le journal néerlandais Trouw , l’archevêque d’Utrecht, Wim Eijk, a donné des éclaircissements médico-éthiques sur la mort tragique de la malade comateuse italienne Eluana Englaro. Il conclut que, du point de vue éthique, cette personne restée pendant dix-sept ans dans le coma a été tuée.

Mgr Eijk a rédigé cet article d’opinion en sa qualité d’évêque en charge des questions bioéthiques au sein de la conférence épiscopale de son pays. L’archevêque d’Utrecht, diplômé en médecine et en théologie morale, trouve important de s’en tenir aux faits pour procéder à une analyse sereine de cette affaire qui a déchaîné les passions.

Voici les faits : suite à un accident de voiture, Eluana est restée pendant dix-sept ans dans un état végétatif persistant. De tels patients respirent de façon autonome, ouvrent les yeux, réagissent à certains stimuli et ont un rythme veille-sommeil. Quand on les hydrate et alimente à l’aide d’une sonde gastrique, ils peuvent rester en vie pendant des dizaines d’années parfois. Il n’est toutefois pas possible d’établir un contact avec ces patients.

Au terme d’une bataille juridique de plusieurs années, le père d’Eluana a obtenu que celle-ci soit transportée dans un hôpital où l’on a cessé de l’hydrater et de l’alimenter, ce qui a entraîné assez rapidement son décès. Pour juger s’il s’agit d’un acte d’euthanasie, Mgr Eijk applique le principe de proportionnalité, selon lequel les avantages du traitement doivent être proportionnels à ses inconvénients. En partant de ce principe, l’Église s’oppose par exemple à l’acharnement thérapeutique. Par contre, dans le cas d’omission volontaire d’actes simples et non pénibles, il faut supposer que l’objectif recherché est de mettre un terme à l’existence du patient, note l’archevêque.

« L’arrêt ou l’omission d’un traitement proportionné entraînant la mort équivaut, sur le plan éthique, à mettre fin aux jours d’une personne en lui administrant une substance létale », souligne-t-il en sa qualité de médecin et de moraliste.

Mgr. Eijk cite l’exemple de l’arrêt de la respiration artificielle lorsqu’il s’avère clairement que la probabilité d’un réveil du patient est infime. Dans de tels cas, la respiration artificielle, en raison notamment des risques et complications qu’elle entraîne, devient une forme d’ « action disproportionnée en vue de prolonger la vie ». La mort du patient causée par l’arrêt de la respiration artificielle n’équivaut donc pas, du point de vue éthique, à un acte d’euthanasie. « En effet, la mort n’est pas l’objectif recherché en renonçant au traitement, explique Mgr Eijk. À un certain moment, il faut pouvoir accepter les limites des possibilités humaines. »

La différence avec la mort d’Eluana tient selon lui au fait que l’hydratation et l’alimentation à l’aide d’une sonde gastrique étaient des moyens proportionnés, vu qu’apparemment, ces interventions ne suscitaient que très peu de complications. La satisfaction des besoins vitaux de base est en soi toujours proportionnée, mais le modus operandi peut être ou devenir disproportionné lorsque des complications surgissent. Tout porte à croire que ce n’était pas le cas pour Eluana Englaro. « L’alimentation et l’hydratation par sonde gastrique étaient, dans sa situation, un moyen proportionné en vue de la maintenir en vie. C’est pourquoi leur arrêt, ayant entraîné son décès, équivaut du point de vue éthique à un acte d’euthanasie », poursuit Mgr Eijk.

L’archevêque met en garde contre le terme d’« état végétatif », qui suscite l’impression fausse que la vie de ces patients est réduite à celle d’une plante. Le fait qu’on connaît des cas où des personnes plongées pendant des années dans un état végétatif persistant ont fini par se réveiller, montre qu’il s’agit bel et bien de personnes vivantes, insiste-t-il. C’est pourquoi le maintien en vie de ces personnes n’équivaut pas à prolonger artificiellement la phase terminale ou le processus de mort, comme certains le croient.

Mgr Eijk fait preuve de compréhension à l’égard du père d’Eluana, pour qui l’état de sa fille était très dur à supporter sur le plan émotionnel. « Il ne pouvait plus endurer cette situation. Nous pouvons très bien imaginer ses sentiments d’impuissance et de tristesse », indique Mgr Eijk. Néanmoins, il fait une mise en garde : les sentiments de la famille ou d’autres proches, aussi compréhensibles soient-ils, ne peuvent pas jouer un rôle décisif dans la décision de maintenir ou non un patient en vie. « Cet aspect de la question ne peut pas influer sur l’appréciation du caractère proportionné ou non des actes de prolongation de la vie », conclut Mgr Eijk.

Mgr Eijk est archevêque d’Utrecht. Il est docteur en médecine et en philosophie et détient une licence en théologie. Il a été membre de la Commission théologique internationale. Ce texte a paru dans les médias néerlandais. Nous l’avons repris du site www.medische-ethiek.nl . On peut lire le texte original sur http://www.medische-ethiek.nl/modules/news/article.php?storyid=886&keywords=eluana