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Une directive pour ma mort (1/2)

30 août 2010

Pour éviter l’abus de l’euthanasie et les excès de l’acharnement thérapeutique chez le patient fort diminué ou inconscient, la directive anticipée offre une solution intéressante.

La « directive anticipée » est une déclaration écrite, dans laquelle on mentionne les traitements médicaux dont on souhaite faire l’objet, en prévision du jour éventuel où on se trouverait dans une situation (maladie, accident, ou autre) qui empêcherait de manifester sa volonté. Elle est appelée aussi « déclaration anticipée » ou « testament (de fin) de vie ».

La première forme de directive anticipée apparut en 1969 lorsqu’un avocat américain de l’Illinois, Luis Kutner, membre du mouvement « Right to die » a conseillé à certaines personnes de manifester leur souhait de traitement dans les cas où elles ne pourraient plus s’exprimer : c’est le living will. Il s’agissait en fait d’une volonté de refuser tout acharnement thérapeutique, de mourir « dans la dignité ». Ces directives visaient donc un « refus » de traitement, il s’agit de directives de refus ou de « refus anticipé ».

Il y a d’autres directives qui demandent au médecin d’intervenir activement pour mettre fin à la vie : c’est le cas de l’euthanasie demandée par le patient.

Il existe enfin des directives qui confèrent des autorisations, comme, par exemple, le prélèvement d’organes.

Les directives anticipées s’inscrivent dans une « tendance » relativement récente qui voit s’approfondir le dialogue médecin-patient. Dans les milieux médicaux des sociétés occidentales s’est introduit le principe d’autonomie du patient en fonction duquel celui-ci joue un rôle actif, avec le médecin, dans la prise de décisions à propos des examens diagnostiques et du traitement qui lui seront appliqués.

Aspects éthiques de la directive anticipée

Les directives anticipées, par lesquelles une personne demande au médecin de pratiquer l’euthanasie, ou de l’assister dans son suicide, sont immorales en elles-mêmes.

Les directives anticipées visant à refuser des soins courants ou des traitements proportionnés sont illicites car elles équivalent à une euthanasie par omission. Par exemple, une personne en état végétatif permanent, c’est-à-dire en coma prolongé de plusieurs années, nécessitant uniquement les soins minimaux comme l’hydratation, l’alimentation et les mesures d’hygiène, ne peut pas demander de façon anticipée que, dans cette situation, on « la laisse mourir ». Il ne s’agit pas, dans ce cas, d’acharnement thérapeutique car l’alimentation et l’hydratation ne sont pas un traitement médical : elles correspondent à des soins courants qui satisfont des besoins essentiels de l’être humain.

Les directives anticipées de refus d’acharnement thérapeutique sont licites. En donnant cette directive, le patient veut éviter d’être maintenu en vie par des interventions médicales disproportionnées par rapport aux résultats que l’on pourrait espérer ou encore parce qu’elles sont trop lourdes pour lui et pour sa famille.

Difficultés de rédaction de la directive anticipée

La première difficulté est l’impossibilité de prévoir toutes les situations qui pourraient se présenter. En effet, si les clauses stipulées sont trop concrètes, le médecin pourra prétendre que le cas présent n’était pas envisagé dans le document signé par le patient. Si, par contre, elles sont trop génériques, le médecin aura toute liberté pour agir comme bon lui semble. Et, par conséquent, le document serait dépourvu de valeur pratique.

Une seconde difficulté concerne le respect de la liberté thérapeutique et de la conscience morale du médecin. Dans l’esprit de certains, le médecin serait un « simple exécutant » de la volonté du patient. Or, c’est au médecin qu’il revient de prescrire le meilleur traitement à administrer au patient. Le principe d’autonomie du patient ne doit pas être compris comme une autonomie totale qui consisterait à contraindre le médecin à lui appliquer un traitement déterminé.

Enfin, une troisième difficulté, qui pourrait se présenter, est l’incapacité de prédire les avancées technologiques dans le domaine des sciences médicales. Une maladie, incurable aujourd’hui, pourrait être soignée à l’avenir grâce à de nouveaux moyens.

L’énoncé de ces difficultés, qui ne sont pas exhaustives, nous amène à proposer quelques conseils pratiques.

Conseils pratiques

Comment rédiger alors une directive anticipée ? Tout en indiquant clairement le refus de traitements ne respectant pas la dignité humaine (par exemple l’acharnement thérapeutique) ou immoraux (euthanasie), il semble prudent de mentionner une personne (de la famille ou autre) à laquelle l’équipe médicale devra faire appel lorsqu’on ne pourra plus exprimer sa volonté. La loi belge qualifie cette personne de mandataire. Cette façon de procéder semble résoudre les difficultés énoncées : directives trop « précises » ou trop « génériques » ; respect de l’avis et de la conscience du médecin qui n’est pas réduit au rôle d’un simple exécutant (il peut s’établir entre le médecin et le « tiers » la même relation de confiance mutuelle qu’entre le médecin et le patient).

Un modèle de directive anticipée pourrait être le suivant ; le document doit être manuscrit, fait en trois exemplaires, signé par l’intéressé et le mandataire, remis à ce dernier et au médecin traitant qui le consigne dans le dossier médical, le dernier exemplaire étant gardé de préférence toujours sur soi :

« Je, soussigné, (nom, prénom, date et lieu de naissance, numéro national, domicile légal, profession, téléphone), déclare que, lorsque je serai dans l’incapacité d’exprimer ma volonté par suite de maladie, accident ou toute autre cause, souhaite que soient respectées les indications suivantes :

1/ je désigne la personne suivante comme mandataire , ayant tous les droits pour prendre, à ma place, toute décision concernant les soins, traitements à effectuer sur ma personne : (nom du mandataire, etc.)

2/ (si l’on est catholique : s’il y a danger sérieux pour ma vie, je désire être assisté par un prêtre catholique 😉

3/ je refuse toute forme d’euthanasie ainsi que tout prélèvement d’organe ou de tissu de mon vivant ;

4/ je refuse tout acharnement thérapeutique ;

5/ je demande que me soient assurés les soins vitaux normaux, comme l’alimentation, l’hydratation, les mesures d’hygiène, etc.

6/ (au choix : j’accepte que des organes ou des tissus soient prélevés après ma mort, en accord avec mon mandataire).

Cette lettre est rédigée, de ma main, en trois exemplaires : mon médecin traitant, le Docteur …, ainsi que le mandataire en ont reçu un.

Fait à (X), le (X), (signature personnelle et signature du mandataire) »

Une variante très pratique de cette déclaration a été publiée par l’Institut Européen de Bioéthique: voir ici.
Claude Gérard est prêtre, Ingénieur civil et Docteur en Théologie. Cet article a été légèrement adapté en date du 6-3-14.