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Un devoir de discrétion?

12 mars 2010

En p. 17 du Soir de ce mardi 2 mars, Vincent de Coorebyter signe une carte blanche analysant le désormais célèbre « coming out » catholique de Jean-Michel Javaux.

Je ne souhaite pas aborder ici la question de l’opportunité des déclarations du co-président d’Ecolo, car ce débat s’est politisé. Ma réaction se veut celle du juriste que je suis devenu avant d’avoir embrassé la prêtrise. Le directeur général du CRISP fonde l’argumentation de sa carte blanche sur le principe « supra-constitutionnel » qui énonce — et je le cite — qu’une « loi n’était pas censée être défendue, et encore moins adoptée, au nom de la religion. La loi vise l’intérêt général, ou le bien commun ; elle est adoptée au nom de la nation, elle s’impose à tous et doit tirer sa légitimité de motifs valables pour tous, y compris les incroyants ; elle sera donc proposée, plaidée et votée selon un argumentaire purement politique, séculier ». Jusque là, je suis d’accord.

Mais Vincent de Coorebyter en conclut : « C’est la raison pour laquelle il n’est pas de bon ton de lever le voile, d’afficher des appartenances qui seraient aussitôt suspectes de dicter des comportements. De même que les partis ne soulignent pas, en campagne électorale, que les candidats concurrents sont des représentants patentés de tel ou tel groupe — car ce serait les soupçonner de manquer d’indépendance —, il n’est pas conforme au système d’afficher sa foi ou celle de ses confrères ».

Et ici, je m’interroge : Quand un homme politique se déclare croyant — catholique de surcroît — cela engendre des litres d’encre de mise en garde. Par contre, quand un autre membre du même parti déclare dans les colonnes de La Libre , ce 3 février: « Je suis plus que laïque : je suis un libre-penseur et un athée », cela ne fait pas les frais d’un seul commentaire étonné.

Pareille dissymétrie n’est pas anodine. Le fait d’être « athée » serait-il moins suspect de dicter des comportements politiques que celui d’être croyant ? Défendre cela, serait enfreindre le principe — constitutionnel celui-là — de la neutralité de l’Etat par rapport à toutes les convictions.

Alors, quid ? Tant que le catholicisme dominait la société belge, un surcroît de discrétion de la part des politiciens qui se reconnaissaient de la religion majoritaire était de bon sens et de bon goût. Mais aujourd’hui, ce « deux poids-deux mesures » ne se justifie plus. Le devoir de discrétion par rapport aux convictions philosophiques personnelles doit valoir pour tous les politiciens ou n’est acceptable pour aucun. A moins de penser que la religion serait — malgré tout — un produit plus « toxique » pour la démocratie que le libre-examinisme. Mais là — et Vincent de Coorebyter ne me contredira pas — nous quittons la terre ferme de la réflexion juridique pour entrer dans les méandres marécageux des préjugés.

Eric de Beukelaer signe ce texte en sa qualité de prêtre. Ce courrier des lecteurs a été publié dans Le Soir du 11-03-10 sous le titre « Un devoir de discrétion à géométrie variable? ».