L’archevêque de Westminster a écrit à ses fidèles une lettre pastorale sur le suicide assisté.
Mes frères et sœurs,
Ce mercredi 16 octobre 2024, un projet de loi sera présenté au Parlement proposant un changement de la loi pour permettre le suicide assisté. Le débat se poursuivra pendant plusieurs mois, dans la société et au Parlement, avant qu’un vote définitif n’y soit organisé. Ce débat met en lumière des questions cruciales sur la dignité de la vie humaine et sur l’attention et la protection que notre société accorde à chaque être humain.
Dans le cadre de ce débat, j’aimerais vous présenter trois points. J’espère que vous prendrez part au débat, où et quand vous le pourrez, et que vous écrirez à votre député.
Le premier point est le suivant : faites attention à ce que vous souhaitez.
Il ne fait aucun doute que le projet de loi soumis au Parlement sera soigneusement formulé, prévoyant des circonstances claires et très limitées dans lesquelles il deviendrait licite d’aider, directement et délibérément, à mettre fin à la vie d’une personne. Mais n’oubliez pas que tous les pays où une telle loi a été adoptée ont clairement démontré que les circonstances dans lesquelles il est permis de mettre fin à une vie s’élargissent de plus en plus, rendant le suicide assisté et le meurtre médical, ou l’euthanasie, de plus en plus accessibles et acceptés. Dans ce pays, des assurances seront données que les garanties proposées sont fermes et fiables. Cela a rarement été le cas. Cette proposition de modification de la loi peut être une source de soulagement pour certains. Mais elle suscitera beaucoup de craintes et de trépidations chez de nombreuses personnes, en particulier celles qui sont vulnérables et celles qui vivent avec un handicap. Ce qui est proposé aujourd’hui ne marquera pas la fin de l’histoire, une histoire qu’il vaudrait mieux ne pas commencer.
Le deuxième point est le suivant : le droit de mourir peut devenir un devoir de mourir.
Une loi qui interdit une action est clairement dissuasive. Une loi qui autorise une action change les attitudes : ce qui est autorisé est souvent et facilement encouragé. Une fois que l’assistance au suicide est approuvée par la loi, une protection essentielle de la vie humaine disparaît. Des pressions s’exercent sur les personnes proches de la mort, de la part d’autres personnes ou même d’elles-mêmes, pour qu’elles mettent fin à leur vie afin de soulager leur famille d’une charge perçue comme telle, d’éviter la douleur ou en vue d’un héritage.
Je sais que, pour de nombreuses personnes, la perspective d’une souffrance prolongée et d’une perte de dignité suscite une peur profonde. Pourtant, il est possible d’alléger ces souffrances. Ce débat doit donc porter en partie sur la nécessité et le devoir d’améliorer les soins palliatifs, afin que chacun d’entre nous puisse réellement vivre ses derniers jours en compagnie d’êtres chers et de professionnels de la santé attentifs. Voilà la véritable mort dans la dignité. En effet, le changement radical de la loi qui est actuellement proposé risque d’entraîner, pour tous les professionnels de la santé, une lente évolution du devoir de soigner vers un devoir de tuer.
Le troisième point est le suivant : l’oubli de Dieu rabaisse notre humanité.
Les questions soulevées par ce projet de loi touchent au cœur même de notre conception de nous-mêmes, de notre vie, de notre humanité. Pour les personnes qui ont foi en Dieu — la grande majorité de la population mondiale —, la première vérité est que la vie, en fin de compte, est un don du Créateur. Notre vie découle de Dieu et trouvera son accomplissement en Dieu. « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! » (Job 1, 21). Ignorer ou nier cette vérité revient à séparer notre humanité de ses origines et de son but. Nous nous retrouvons à flotter librement, détachés, dans une sphère sans ancrage solide ni destin, pensant que nous pouvons nous les créer nous-mêmes selon l’humeur du temps, voire du jour.
L’expression la plus claire de cette foi est que chaque être humain est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est la source de notre dignité et elle est propre à la personne humaine. La souffrance d’un être humain n’est pas dénuée de sens. Elle ne détruit pas cette dignité. Elle fait partie intégrante de notre parcours humain, un parcours embrassé par le Verbe éternel de Dieu, le Christ Jésus lui-même. Il amène notre humanité à sa pleine gloire précisément par la porte de la souffrance et de la mort.
Nous ne savons que trop bien que la souffrance peut amener les gens à un état d’esprit des plus terribles, les poussant même à mettre fin à leurs jours, dans des circonstances où, le plus souvent, ils ne disposent pas d’une véritable liberté d’esprit et de volonté, et ne sont donc pas coupables. Mais cette législation qui est proposée est tout à fait différente. Elle cherche à donner à une personne saine d’esprit et de volonté le droit d’agir d’une manière qui est clairement contraire à une vérité fondamentale : notre vie n’est pas notre propriété, dont nous pouvons disposer comme bon nous semble. Il ne s’agit pas d’une liberté de choix que nous pouvons nous approprier sans saper les fondements de la confiance et de la dignité partagée sur lesquels repose une société stable.
Alors que ce débat est en cours, je vous demande d’y jouer votre rôle. Écrivez à votre député. Discutez avec votre famille, vos amis et vos collègues. Et priez. N’oubliez pas : faites attention à ce que vous souhaitez ; le droit de mourir peut devenir un devoir de mourir ; l’oubli de Dieu rabaisse notre humanité.
Que Dieu nous bénisse tous en ce moment critique.
Source : https://rcdow.org.uk/cardinal/homilies/pastoral-letter-on-assisted-suicide/. Ce texte a été traduit de l’anglais par Stéphane Seminckx.