Comment exprimer la foi et l’adoration dans la liturgie ? A partir d’une question concrète — la distribution de la communion — traitée dans un petit livre fort intéressant, l’abbé Arévalo analyse le problème du sens du sacré dans la liturgie.
Lorsqu’au cours de ses célébrations, le pape Benoît XVI a commencé à distribuer la communion sur la langue, peu de temps après son élection au siège de Pierre, des réactions ont surgi dans le chef d’un certain nombre de fidèles. Pour les uns, c’était la surprise, voire l’indignation ; pour d’autres, la joie et la satisfaction. Mais que prétendait le pape avec cette pratique ? S’agissait-il de restaurer un rite liturgique ancien, tombé en désuétude ? Fallait-il bannir la distribution de la communion dans la main ? Ou plutôt est-il question d’un geste destiné à montrer l’importance de ce rite et à retrouver le sens du sacré, du mystère ?
On peut trouver quelques-unes de ces réactions sur Internet. Comme celle d’une personne qui voyait chez qui communie sur la langue une volonté de faire la leçon aux autres. Les apparences sont trompeuses, comme on peut le constater dans la parabole du pharisien et du publicain. On y voit que ce qui importe vraiment, c’est de chercher en toutes circonstances à aimer de tout notre cœur et toute notre âme, et de toujours nous considérer comme le plus indigne des enfants de Dieu, sans accorder d’importance aux gestes extérieurs. Veut-on nous imposer à nouveau une pratique qui met l’accent sur la forme externe d’un rite ?
En fait, ici, se pose une autre question : une pratique liturgique déterminée peut-elle favoriser davantage l’adoration qu’une autre ? En liturgie surgit toujours un moment où, d’une manière ou d’une autre, on « impose » une pratique déterminée. Non par souci d’« imposer », mais, tout simplement, pour favoriser le bon déroulement de la messe et l’élévation des âmes vers notre Dieu d’Amour. C’est pour cette raison qu’on « impose », par exemple, le silence pendant la célébration, la position debout à certains moments comme la lecture de l’Evangile, ou le fait de se mettre à genoux pour la consécration. Oui, ces règles sont « imposées » par l’autorité compétente (l’Eglise), en vue de favoriser l’esprit de recueillement et d’adoration dans la rencontre du Dieu d’Amour.
Bien sûr, si notre cœur n’y est pas, les règles et les formes n’auront aucune valeur aux yeux de Dieu. Mais, c’est souvent par ces gestes extérieurs que les âmes perçoivent la grandeur de ce qui se passe dans la Messe, et qu’elles se sentent poussées à se recueillir vraiment.
L’actuel maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini, situe bien la question en fournissant des raisons de poids pour suivre cette pratique : « Le mode de distribution de la communion adopté par Benoît XVI vise à souligner la validité de la règle qui s’applique à toute l’Eglise. En outre, nous pourrions peut-être y voir aussi une préférence pour cette manière de distribuer la communion qui, sans s’opposer à l’autre, souligne mieux la vérité de la présence réelle dans l’Eucharistie, contribue à la dévotion des fidèles et introduit plus facilement le sens du mystère. Aspects que d’un point de vue pastoral, à notre époque, il est urgent de souligner et de retrouver » (Interview de Mgr Guido Marini, Osservatore Romano, 26-6-08) .
Un petit livre fournit un éclairage intéressant sur ces questions : l’ouvrage de S. E. Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Karaganda, au Kazakhstan, dont le titre Dominus est (« C’est le Seigneur ! ») est tout à fait significatif (A. Schneider, Dominus est, Ed. Tempora, Perpignan 2008).
Le livre compte deux parties, en plus d’une préface et d’une conclusion. A la fin sont présentés, sous forme d’annexe, quelques documents du Saint-Siège sur le rite de la communion. Comme on peut lire sur le quatrième de couverture, « loin des polémiques stériles ce petit livre (…) appelle à prendre de la hauteur et du recul sur cette question. A la fois témoignage et réflexion, il explique la pratique de communion réintroduite par Benoît XVI avec un véritable souci pédagogique et pastoral ».
Un ouvrage donc qui contribuera à ce que l’Année de la Foi soit « une occasion propice pour intensifier la célébration de la foi dans la liturgie, et en particulier dans l’Eucharistie » (Benoît XVI, Lettre Apostolique en forme de Motu Proprio, Porta Fidei, n. 9).
Dans la première partie, l’auteur nous livre son expérience personnelle, à partir du témoignage de trois personnes : sa mère et deux autres femmes. Celles-ci ont gardé une foi vive en l’Eucharistie au milieu des innombrables souffrances et sacrifices que la petite communauté catholique de ce pays (Kazakhstan) a dû supporter durant les années de persécution soviétique.
Le titre de la deuxième partie (Avec crainte et amour) exprime l’attitude de fond nécessaire pour comprendre le sens de cette pratique. Mgr Schneider présente un excursus historico-théologique qui explique très bien comment la pratique de communier sur la langue et à genoux a été accueillie et pratiquée dans l’Eglise pendant de nombreux siècles. Tout cela pour nous rappeler que la communion sur la langue était depuis des siècles la seule manière de communier. Encore aujourd’hui, c’est la manière ordinaire et officielle de communier, tandis que la communion dans la main est une pratique exceptionnelle, qui doit être autorisée expressément par l’Eglise.
Des textes touchants appartenant aux premiers siècles du christianisme (Pères de l’Eglise, anciens livres liturgiques, documents du Magistère, etc.) montrent la responsabilité particulière que l’Eglise a toujours ressentie pour mettre en évidence le caractère sacré de l’Eucharistie. Cette responsabilité est d’autant plus grande face à la culture des temps modernes, qui refuse le sacré.
La lecture de ce petit livre aide en effet à trouver des réponses et des arguments clairs pour mieux comprendre une pratique que le pape veut remettre en valeur. « Le geste de recevoir — lit-on dans une des conclusions — le Corps du Seigneur dans la bouche et à genoux pourrait être un témoignage visible de la foi de l’Eglise dans le mystère eucharistique, et également un facteur régénérant et éducatif pour notre culture moderne, pour laquelle l’agenouillement et l’enfance spirituelle sont des phénomènes complètement étrangers ».
Le livre est disponible sur didoc shop : Dominus Est
Fernando Arévalo est prêtre, licencié en mathématique et docteur en théologie.