Le porte-parole de la « Marche pour la Vie » de Bruxelles répond aux critiques des détracteurs de cette initiative.
Cher(ère)s ami(e)s,
La publication de votre carte blanche, en ces pages, le mercredi 6 avril me met personnellement en cause. Vous affirmez que je suis « un fervent défenseur des thèses réactionnaires selon lesquelles l’homosexualité serait une perversion et le sida une punition divine ». Or, non seulement je n’ai jamais dit cela mais cette opinion nauséabonde n’a jamais effleuré mon esprit. Si vous ne me croyez pas, je vous invite à poser la question à mes amis homos.
La prochaine fois ce serait même mieux de commencer par là car recourir à la diffamation n’est pas la meilleure façon de commencer — ou de conclure — un débat.
Pour le reste, je suis déçu par votre approche. Pourquoi vous focalisez-vous sur cette vieille opposition cathos-laïcs ? L’avortement, comme vous le dites très justement, est une question de « droits de l’homme ». Or ceux-ci, aux dernières nouvelles, concernent tout le monde. Alors quittons un instant, si vous le voulez bien, ces clivages et posons-nous de vraies questions comme celle-ci : est-ce normal que dans une démocratie moderne des individus possèdent une protection juridique moindre que celle accordée à certaines espèces animales et végétales ? Le premier des droits de l’homme est celui au respect de sa vie. Si ce droit n’est pas garanti, tous les autres deviennent caduques. L’Histoire nous montre que chaque fois que l’on a voulu priver une partie de la population de ses droits fondamentaux, on a commencé par la déshumaniser. En disant que l’être le plus fragile de notre société n’appartient pas à l’espèce humaine, ne prenez-vous pas le risque de rejoindre le long cortège des obscurantistes de tout poil ? Une société progressiste est une société où chacun est respecté. En France, 96 % des trisomiques sont avortés. En Belgique, on peut tuer légalement une personne handicapée jusqu’à la veille de sa naissance… Quel message la loi Lallemand — que vous chérissez tant — envoie-t-elle aux personnes souffrant d’un handicap ? Ne permet-elle pas une discrimination de premier ordre ?
Cher(ère)s ami(e)s, vous dénigrez l’adoption… Mon frère, Pierre, est trisomique et atteint d’une hépatite B. Ses parents l’ont confié à l’adoption à sa naissance. Pierre appartient à cette catégorie d’individus dont d’aucuns diront que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue mais moi je remercie ses parents de ne pas l’avoir avorté car Pierre est un frère irremplaçable !
Cher(ère)s ami(e)s, vous célébrez en grande pompe les 20 ans du « droit » à l’avortement — droit qui a coûté la vie à 300.000 individus de ma génération — et vous assenez que ce droit fut conquis de haute lutte par des progressistes. Mais, dites-moi, Lénine et Hitler étaient-ils des progressistes ? L’Union soviétique et l’Allemagne nazie furent en effet parmi les premiers pays à avoir autorisé l’avortement… Aujourd’hui encore l’avortement frappe prioritairement les minorités ; aux Etats-Unis, Planned Parenthood pratique, dans les faits, beaucoup plus d’avortements contre les Noirs. Bien que leur intention ne soit pas raciste, les faits sont là.
Si je puis me permettre un conseil : ne vous inscrivez pas dans cette filiation mais inspirez-vous plutôt du président uruguayen Tabaré Vazquez qui a mis en 2008 son veto à une dépénalisation de l’avortement dans son pays. Médecin, socialiste et leader d’une coalition de gauche, il a refusé de cautionner cette nouvelle lutte des classes opposant ceux qui ont eu la chance de naître à ceux qui ne sont pas encore nés. Ce ne sont pas ses convictions religieuses qui ont conduit M. Vasquez à prendre cette décision mais un jugement posé à la lumière de la raison.
Cher(ère)s ami(e)s, vous dites que quoi que l’on fasse les femmes avortent et qu’il vaut donc mieux que cela se passe dans de bonnes conditions. Mais alors pourquoi ne pas autoriser l’excision ? Et pourquoi ne pas autoriser les mariages forcés ? L’excision existe depuis toujours, les mariages forcés aussi… La vraie réponse est que dans une démocratie une situation de fait, quand elle est mauvaise, ne doit jamais devenir une situation de droit. Si la loi n’est pas là pour corriger les injustices et protéger celui qui est incapable de se défendre, à quoi sert-elle ?
Cher(ère)s ami(e)s, vous dites que l’avortement est une émancipation. J’ai rencontré beaucoup de femmes qui ont regretté leur avortement, je n’en ai rencontré aucune qui ait regretté d’avoir gardé son enfant. La copine de mon frère a avorté sous la pression de sa famille. D’autres filles avortent sous la pression de leur compagnon. Si vous êtes féministe, pourquoi êtes-vous si discret quant à ce type de pressions ? Et pourquoi ne parlez-vous pas du syndrome post-avortement, aujourd’hui attesté par de nombreuses études scientifiques ? Vous connaissez pourtant la souffrance des femmes qui ont eu recours à l’avortement…
Cher(ère)s ami(e)s, je vous demande de quitter la nostalgie de vos combats passés et d’affronter la réalité des faits. Oui, le corps de la femme lui appartient, mais non l’enfant qui grandit en elle n’est pas son corps, il en est l’hôte. Un débat serein, comme nous l’appelons de nos vœux, commence par la reconnaissance de cette réalité, qu’elle vous plaise ou non.
Ce débat demandera aussi que la vérité, toute la vérité, soit connue de tous. Chacun a le droit de connaître la barbarie de l’avortement et son business douteux. En outre, si vous considérez légitime de pratiquer l’avortement, pourquoi ne considérez-vous pas légitime que l’on en montre les images ? Affrontons la réalité de l’avortement sous tous ses aspects. Nos concitoyens jugeront alors s’il s’agit vraiment d’un progrès…
Cher(ère)s ami(e)s, vous soulignez très justement qu’il y avait des jeunes de différentes nationalités à la Marche pour la vie de Bruxelles, le dimanche 27 mars dernier. En défendant la Vie, ces jeunes construisent l’Europe dont ils rêvent. Une Europe tolérante et généreuse où chacun est respecté, qu’il mesure un mètre nonante ou deux centimètres.
Cher(ère)s ami(e)s, quittez vos préjugés et construisez cette Europe avec nous !
Antony Burkhardt est un étudiant de 22 ans. Il est le porte-parole de la « Marche pour la Vie ». Cette « carte blanche » a été publiée dans « Le Soir » du 12-4-11 sous le titre « Oui, le corps de la femme lui appartient, mais non l’enfant qui grandit en elle n’est pas son corps, il en est l’hôte », en réponse à un article du 6-4-11, signé par un collectif d’auteurs. Nous remercions Anthony Burkhardt de nous avoir autorisé à publier son texte.