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a little boy that is sitting down with a cell phone

Chère future maman

22 novembre 2020

En France, au nom de la liberté d’expression, Charlie Hebdo a le droit de publier des caricatures obscènes et offensantes, qui blessent la sensibilité d’innombrables personnes. Mais, dans le même temps, certains veulent dénier à des enfants atteints de trisomie 21 le droit de transmettre un message d’amour. Nous publions ici un article récent du site Gènéthique.

 

Pour la journée de la trisomie 21, le 21 mars 2014, un collectif d’associations européennes, parmi lesquelles les amis d’Eléonore et la Fondation Jérôme Lejeune, a diffusé un clip vidéo Dear Future Mom. Résolument positif, il présente des personnes trisomiques s’adressant à une future maman qui attend un enfant porteur de cette anomalie chromosomique. En France, plusieurs chaînes, Canal +, M6 et D8, acceptent de le diffuser à titre gracieux dans leurs écrans publicitaires. Cependant, saisi par seulement deux courriers, le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (CSA) invite les responsables des chaînes à l’autocensure, conseillant de retirer le clip de la diffusion. Les chaînes incriminées obtempèreront. Pourtant, la vidéo fera l’objet de plus de 8,2 millions de vues à travers le monde.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme est saisie

En France, les différents recours successifs déposés par la Fondation Lejeune et Inès de Pracomtal, une jeune fille impliquée dans la vidéo, conduisent au Conseil d’Etat. Il tranche en faveur du CSA estimant que ce dernier n’a pas abusé de son « pouvoir de régulation » ni « porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression » (cf. « Dear future Mom » : un message légitime qui ne serait pas d’intérêt général). Le 9 mai 2017, des requêtes sont déposées pour contester cette décision auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui accepte d’examiner le fond de l’affaire le 21 septembre 2020, obligeant le gouvernement français à répondre aux questions ayant trait à la liberté d’expression (cf. « Dear future Mom » : la CEDH valide la requête).

C’est une surprise, en effet, seules 5% des requêtes franchissent ce cap (cf. Censure eugéniste du CSA : nouvelle étape franchie à la CEDH). Que s’est-il passé ? Le vent serait-il en train de tourner ? C’est en tous cas la question qu’on pourrait légitimement se poser. En effet, depuis de nombreuses années des vidéos circulent mettant en scène des personnes porteuses de trisomie 21 : mannequins, acteurs, sports, insertion professionnelle, mais aussi frères et sœurs de ces personnes qui témoignent de leur tendresse, parents aimants, adoptants. Ces vidéos ont en commun de porter un regard très positif sur ces enfants, ces jeunes, ces adultes souriants et heureux, qui s’interrogent sur leur différence, la place qu’on leur laisse dans la société.

Un regard sur la trisomie 21 qui change

Lors des débats sur le projet de loi de bioéthique, des députés, des sénateurs, très concernés, avec beaucoup de sensibilité, ont refusé de cautionner le diagnostic préimplantatoire qui vise à sélectionner les embryons dans les parcours de PMA [procréation médicalement assistée] pour écarter ceux qui seraient porteurs d’anomalies, notamment des anomalies chromosomiques comme la trisomie 21 (DPI-A [diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, c’est-à-dire un nombre anormal de chromosomes]). Plus récemment, un téléfilm diffusé sur M6 Apprendre à t’aimer (cf. Trisomie 21 sur M6 : « Heureusement qu’on n’a rien décelé avant sa naissance »), a reçu un accueil très chaleureux de la part du public. En mars dernier, Emmanuel Macron inaugurait sur les champs Elysées, le « café Joyeux » servi « avec le cœur » par des personnes en situation de handicap.

Cependant, rien n’est encore joué. Lors de ces mêmes débats de bioéthique, Olivier Véran [Ministre des Solidarités et de la Santé en France] ne s’est pas attaché à défendre la trisomie 21, mais a demandé un délai pour expérimenter le DPI-A. Juste avant ce débat, les députés ont validé le principe du bébé médicament qui consiste à sélectionner un embryon in vitro exempt de la maladie d’un aîné, en vue de le soigner. Une pratique qui instrumentalise l’enfant à naître, abandonnée en 2014 (cf. La pratique du « bébé médicament » abandonnée en France en 2014) : la procédure est lourde pour les professionnels de santé et la loi imposait d’utiliser l’ensemble des embryons congelés, même si ces derniers ne sont pas compatibles, avant de permettre une nouvelle FIV. In fine, très peu de procédures ont abouti. Le bébé médicament reviendrait donc dans la pratique, mais la contrainte de la loi serait levée. Le ressort eugéniste est le même que pour le DPI-A.

Au niveau international, l’avortement eugénique fait l’objet de condamnations

Ces deux dernières années, d’un point de vue international, plusieurs instances de l’ONU, le Comité des droits des personnes handicapées en 2018 et le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, ont considéré que « l’avortement eugénique viole les droits des personnes handicapées », explique l’ECLJ [European Center for Law and Justice] (cf. Censure eugéniste du CSA : nouvelle étape franchie à la CEDH). Espérons que la CEDH fasse preuve de sagesse et rende aux personnes porteuses de trisomie 21 leur droit de cité dans les médias.

Cet article a été publié le 16-11-20 sur le site Gènéthique sous le titre « Dear Future Mom, la vidéo qui fait bouger les lignes ? ».