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four boys laughing and sitting on grass during daytime

Non, les familles nombreuses ne sont pas des lapins

7 février 2015

 

Nous reproduisons ici un article d’Avvenire. Il rectifie certaines interprétations erronées des propos du pape au sujet de la paternité responsable.

« Surpris » du fait que ses paroles, délibérément exprimées dans le langage de tous les jours, ne furent pas pleinement remises dans le contexte d’un exposé plus large par beaucoup de médias. Il est « déçu » par la « désorientation » spécialement des familles nombreuses, auxquelles, de fait, hier, dans l’audience générale, il a d’emblée adressé des paroles d’affection et d’encouragement. Ce furent les deux sentiments qui ont prédominé chez le pape, en lisant la presse le lendemain de son retour de Manille. Mgr Angelo Becciu, substitut de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, s’en fait l’écho dans cette interview accordée à Avvenire.

L’archevêque, l’un des collaborateurs les plus proches du pape Bergoglio, l’a accompagné dans le voyage au Sri Lanka et aux Philippines et était présent lors de la conférence de presse dans le vol de Manille à Rome. Il a écouté personnellement les questions des journalistes et les réponses du Saint-Père. C’est pourquoi, il est à même de rétablir le sens authentique des paroles de François.

Monseigneur Becciu, le pape s’est-il reconnu dans l’interprétation dominante donnée par les médias à ses paroles, lorsqu’il a dit que, pour être de bons catholiques, il n’est pas nécessaire de faire comme les lapins ?

En voyant les titres des journaux, le Saint-Père, avec qui j’ai parlé hier, a souri et a été un peu surpris du fait que ses paroles, volontairement simples, n’ont pas été pleinement remises dans leur contexte concernant un passage très clair d’Humanae Vitae sur la paternité responsable.

Le raisonnement du pape était clair. La lecture qui en a été faite, en isolant une seule phrase, beaucoup moins…

La phrase du pape est interprétée dans le sens que l’acte procréateur, chez l’homme, ne peut suivre la logique de l’instinct animal, mais qu’il est le fruit d’un acte responsable qui trouve sa racine dans l’amour et le don réciproque de soi. Malheureusement, la culture contemporaine tend trop souvent à déprécier la beauté authentique et la grande valeur de l’amour conjugal, avec toutes les conséquences négatives qui en dérivent.

En parlant de trois enfants par couple, selon certains, le pape François aurait voulu indiquer un nombre « impératif ».

Mais non ! Le nombre trois se réfère uniquement au nombre minimum indiqué par les sociologues et les démographes pour assurer la stabilité de la population. En aucune manière le pape ne voulait indiquer que trois représentait le nombre « juste » d’enfants pour chaque famille. Tout couple chrétien, à la lumière de la grâce, est appelé à discerner selon une série de paramètres humains et divins quel est le nombre d’enfants qu’il doit avoir.

Beaucoup de familles chrétiennes sont désorientées face à la version des paroles du Saint-Père fournie par les médias. Que voulez-vous leur dire ?

Le pape est vraiment désolé qu’ait été suscitée une telle désorientation. Il ne voulait absolument pas ignorer la beauté et la valeur des familles nombreuses. Aujourd’hui même, à l’audience générale, il a affirmé que la vie est toujours un bien et que le fait d’avoir beaucoup d’enfants est un don de Dieu pour lequel il convient de rendre grâces.

Quelle est donc l’interprétation correcte de la paternité responsable dont parle Humanae Vitae, souvent soulignée aussi par François ?

C’est l’interprétation qui naît de l’enseignement même du bienheureux Paul VI et de la tradition millénaire de l’Eglise confirmée par Casti Connubii (encyclique publiée par Pie XI en 1930, ndr) : c’est-à-dire que sans jamais séparer le caractère unitif et procréateur de l’acte sexuel, celui-ci doit toujours s’insérer dans la logique de l’amour dans la mesure où toute la personne (dans sa dimension physique, morale et spirituelle) s’ouvre au mystère du don de soi dans le lien du mariage.

Pouvons-nous dire que François a réaffirmé la constante validité de ce document dans toutes ses facettes ?

Pour moi, cela ne fait aucun doute. Le pape François est un grand admirateur de Paul VI, il l’a manifesté à diverses occasions. Du reste, c’est lui qui l’a béatifié et il y a quelques jours, aux Philippines, en voyant une nation si jeune, il a voulu souligner que la position exprimée en 1968 par Paul VI était « prophétique ».

Donc, comment concilier l’indispensable ouverture à la vie et les doutes réels des couples qui doivent affronter tant de problèmes, parfois incompatibles avec l’accueil d’une nouvelle vie ?

Nous savons qu’il s’agit d’un vrai drame pour certains couples. On devrait parler ici du soutien économique des gouvernements aux familles pauvres. Cependant, comme le souligne souvent le pape François, chacun de ces cas doit être traité avec miséricorde et zèle pastoral. Les problèmes peuvent surgir à partir de questions médicales, économiques ou psychologiques. Pour certains conjoints, le défi est énorme et l’Eglise a comme premier devoir de les aider et de les conforter.

Le pape a fait deux fois référence à la crise démographique en Italie. Quel est le message du pape pour notre pays ?

Je dirais que cet indice sociologique gravissime est représentatif d’une culture qui n’a ni espérance ni joie, une culture du déchet. Le désir d’avoir des enfants est effectivement la preuve de ce que l’on croit dans le futur, que l’on croit dans ce que l’on est : l’Italie et l’Europe sont en train de perdre leur identité, elles sont en train de devenir vieilles. Le spectacle de la jeunesse débordante des pays asiatiques n’a fait que confirmer cette perception dans l’esprit du pape.

Cet article est paru dans l’édition du 22-1-15 de Avvenire.it sous le titre Famille, le Pape « surpris et déçu ». Il a été traduit de l’italien par Stéphane Seminckx.