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Quatre enfants et un seul revenu : un choix pour la liberté ?

24 juillet 2022

Linde et Thomas, deux jeunes trentenaires du think tank Logia, ont choisi de vivre dans une petite maison au confort financier limité afin que Linde puisse se consacrer pleinement à leur famille. Car, selon eux, le bonheur ne dépend pas tant de ce que vous possédez, mais de la qualité de vos relations. Après trois ans, ils évaluent leur choix. Sur son blog Ons Thuis, Linde parle de sa vie de mère au foyer et de mère de jeunes enfants. (…)

Notre famille est un peu atypique : quatre enfants de moins de cinq ans, et un seul revenu. Lorsque nous étions encore étudiants, nous aurions probablement pensé que cette situation devait être une bonne blague. Nous avons essayé d’obtenir les meilleurs diplômes possibles et avons étudié dans notre pays et à l’étranger en vue de valider au maximum nos talents dans le monde professionnel.

Jusqu’à ce que les enfants arrivent.

Nous nous sommes rendu compte que personne à l’université ne nous avait appris ce que signifiait être parent. Dès que nous sommes devenus pères et mères, nos enfants ont été la chose la plus importante de notre vie, la priorité numéro un, non résiliable comme n’importe quel emploi ; nous l’avons vite compris.

Laisser le bébé entre les mains d’inconnus pendant une journée entière dans une crèche n’était pas évident, et Linde a été attirée par l’authenticité de certaines « mères vétéranes » qui s’étaient occupées elles-mêmes de leurs enfants. En anglais, on appelle cela « homemaking », un beau terme pour indiquer qu’une maison est un lieu qui n’est pas seulement là, mais qui doit être créé. Comment cela se fait-il ? Par la présence et l’attention complète d’une personne pour les choses de la maison et des enfants. La présence est si importante pour créer une atmosphère de confort à la maison, l’attention aux personnes réelles, la chaleur. Quelle est la meilleure chose que nous puissions donner à nos enfants, avons-nous pensé ? Notre temps. Beaucoup de temps, un temps désintéressé passé ensemble avec eux. Il ne s’agit pas de dire que l’un est « autorisé à travailler » et que l’autre « doit rester à la maison » ; pour les deux, la famille est l’objectif.

Ainsi, Linde a mis sa carrière sur le côté, même un beau projet de doctorat à l’Université de Gand a dû céder la place pour se dédier totalement à la famille. Avec les mêmes motivations, nous avons choisi de donner cours nous-mêmes à nos enfants. Bien sûr, il existe des solutions intermédiaires : travailler à temps partiel, prendre un congé parental, etc. Mais le choix radical de rester à la maison semblait plus simple, plus facile et plus naturel.

Il est clair que la mère au foyer n’est plus l’option par défaut. On nous adresse régulièrement des questions sur ce choix, ainsi que sur sa faisabilité financière. Est-ce vraiment possible ? Après trois ans, nous répondons à cette question par l’affirmative. Nous avons renoncé à un morceau de liberté pour recevoir à sa place un autre type de liberté.

Qu’avons-nous abandonné à part la carrière de Linde ? Tout d’abord, une sorte de facilité : nous devions soudainement faire attention à notre argent. Dans le passé, nous n’y pensions guère. Nous avons réduit nos dépenses principalement dans le domaine de la détente : nous cuisinons, faisons des gâteaux et célébrons davantage à la maison, nous ne faisons pas de grands voyages. Ces dernières années, nous n’avons pas été les seuls à le faire. Aujourd’hui, nous invitons des amis dans le jardin au lieu d’aller au restaurant.

Nous essayons de cultiver un certain minimalisme. Nous n’achetons de nouveaux vêtements que lorsque c’est vraiment nécessaire. Les choses qui sont à peine utilisées doivent céder la place. S’il s’avère que nous avons besoin de deux pulls par enfant, nous ne sommes pas obligés d’en garder quatre. Cela permet également de gagner de la place. Chaque espace de la maison est minutieusement pensé pour que les choses puissent être rangées de manière agréable et efficace. Heureusement, nous pouvons compter sur un réseau d’amis et de connaissances qui nous font régulièrement des dons.

Jusqu’il y a quelques mois, nous n’avions pas non plus de voiture. Bien que nous ayons déjà quatre enfants, nous nous sommes rabattus sur les transports publics pour presque tous nos déplacements. Nous avions une carte Cambio, mais pour les voyages plus longs (comme un week-end chez nos parents, qui vivent à une centaine de kilomètres), c’était un peu cher. Nous avons accumulé une riche expérience du train, du tram et du bus, souvent avec la dose d’aventure requise, pour ne pas dire la misère, au point de se demander : « Mais à quoi sommes-nous occupés ? »

Ces dernières années, nous avons adopté l’attitude de dire « ce que nous faisons nous-mêmes est souvent plus amusant ». Linde a appris l’art raffiné de la coupe de cheveux de son mari et de ses enfants (avec plus ou moins de succès). Thomas s’est familiarisé avec le métier de syndic, afin d’éviter le recours à un syndic externe pour notre maison. Notre rêve est d’étendre encore davantage le champ d’action du « faire soi-même ».

Bien sûr, notre histoire a aussi bénéficié d’un peu de chance. Nous avons pu acheter une maison avant que les prix ne s’envolent. Maintenant que l’inflation frappe, nos salaires augmentent aussi. Mais la plus grosse dépense, le remboursement de notre prêt au logement, reste constante. (Il est juste dommage que notre parcelle de 140 m² ne suive pas l’inflation de la taille de la famille). Thomas a un emploi qui lui permet de travailler à domicile jusqu’à trois jours par semaine. Il a donc de longues matinées et soirées pour être avec les enfants. Cela soulage également la pression sur notre famille. Environ une fois par semaine, la grand-mère ou une amie de la famille, Paula, vient donner un coup de main.

Nous en concluons que notre vie est devenue plus passionnante. Elle semble moins calculée. Nous admirons à juste titre les entrepreneurs qui consacrent tout leur temps et leurs ressources à leur entreprise. Cela devient leur projet de vie. D’une certaine manière, notre situation est analogue : notre capital est dans notre famille. Nourrir et éduquer notre famille est notre projet de vie. Cela aussi comporte des risques. Parce que Linde est à la maison, elle n’a pas de carrière. On ne peut pas s’en aller comme ça. Avons-nous perdu notre liberté, ou avons-nous atteint un niveau supérieur : être capable de donner sa vie pour un autre ?

Enfin, que conseillerions-nous à ceux et celles de notre génération ? Ce serait de ne jamais faire de choix par peur. Pas même par peur de ce que les autres pourraient penser : « je m’en fous ». Osez faire confiance et soyez ouvert à l’inattendu. Sur votre lit de mort, pensez à ce que vous auriez aimé faire de votre vie (la plupart des gens disent : j’aurais aimé donner plus d’amour). Évitez les prêts étudiants ou les prêts immobiliers trop lourds qui ne vous laissent aucune marge de manœuvre par la suite.

Thomas Wouters est économiste et affilié au groupe de réflexion d’inspiration chrétienne Logia. Linde Declercq est une mère au foyer et une enseignante à domicile. Elle tient un blog sur Ons Thuis. Cette tribune libre a été publiée dans Knack le 17-07-2022 : “Une famille avec quatre enfants et un seul revenu : un choix pour la liberté ?”. Le texte a été traduit du néerlandais par Stéphane Seminckx.