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L’Eglise est-elle malade de ses dogmes ?

18 février 2016

 

Sous le titre « Le dogme, cancer de l’Eglise catholique », La Libre Belgique a publié le 8 février dernier un article dont le contenu est peu nuancé, à l’image du titre.

 

L’auteur de l’article fait remonter les dogmes au Concile de Nicée (325) et attribue leur origine à l’empereur Constantin. Il veut nous faire croire que, dès le départ, les dogmes ne sont qu’une question d’autorité et de pouvoir politique. Ces affirmations escamotent l’essentiel et ne font pas justice aux papes et aux évêques des dix-huit derniers siècles. C’est pourquoi il me semble qu’une brève réponse à ces excès verbaux semble nécessaire.

Une acception du mot dogme est celle de « résolution ou décret d’une assemblée ou d’un souverain » (Dictionnaire de Théologie Fondamentale, p. 294). Ainsi, dans le Nouveau Testament (NT), l’ensemble des apôtres et des anciens de l’Eglise ont pris une décision (dogme) à propos de la pureté alimentaire et sexuelle des chrétiens en les libérant du joug de la loi de Moïse (cf. Ac 16, 4). On trouve d’autres enseignements dogmatiques, dans ce sens large du terme, dans différents textes du NT, relatifs à la divinité de Jésus-Christ (par exemple, dans l’épître aux Philippiens [2, 5-11], ou dans la première épître aux Corinthiens [15, 1-3], et dans les nombreux passages où le NT affirme que « Jésus est Seigneur »).

On peut même remonter plus loin dans le temps et trouver des dogmes dans l’Ancien Testament (l’exemple le plus clair est sans doute l’affirmation monothéiste que Dieu fait à Moïse au Sinaï). Mais c’est dans les gestes et les paroles de Jésus de Nazareth que nous trouvons la source principale de nos dogmes : la divinité de Jésus, l’existence du Saint-Esprit et de la Trinité, la Rédemption, l’Eucharistie, etc. Les dogmes trouvent donc leur origine dans l’Ecriture, dans la Révélation divine.

Il est un fait que, si tous les dogmes plongent leurs racines dans la Révélation (c’est-à-dire dans la Sainte Ecriture et la Tradition vivante de l’Eglise), pas tous ont été révélés sous forme d’un énoncé clair et définitif. Songeons, par exemple, à l’assomption de Marie ou à l’infaillibilité pontificale, mais aussi à l’énoncé de la doctrine sur la double nature du Christ ou sur la façon de comprendre la Trinité. Plusieurs siècles de réflexion ont été nécessaires à l’Eglise pour arriver aux énoncés dogmatiques que nous employons aujourd’hui. On ne peut donc nier le rôle joué par les théologiens et les pasteurs de l’Eglise dans l’élaboration rationnelle d’une formulation de la doctrine révélée par Dieu.

Cette intervention humaine ne doit pas nous étonner. Si l’Eglise est une institution divine, elle est aussi constituée d’hommes, à qui Dieu a voulu confier le soin de conserver et d’enseigner la doctrine du salut. Par ailleurs, cette doctrine, qui est universelle, est confrontée au temps et à l’espace. Elle doit se rendre compréhensible au fil d’une histoire où les mentalités évoluent et où surgissent des questions implicitement présentes dans la Révélation, mais jamais explicitement formulées. Elle doit se rendre compréhensible aussi par diverses cultures, qui s’expriment chacune de façon différente. Enfin, l’exposé de cette doctrine doit satisfaire à certaines exigences pédagogiques sujettes à évolution, comme dans la rédaction d’un catéchisme. Qui lit par exemple le Catéchisme de l’Eglise Catholique promulgué par saint Jean-Paul II en 1992 trouve un texte d’un style totalement différent de celui du Catéchisme du concile de Trente, publié au 16ème siècle. Et pourtant, c’est la même doctrine.

C’est là un trait remarquable de la vie de l’Eglise : sa doctrine évolue au fil de son histoire et de son expansion, mais elle reste toujours identique, de même qu’un organisme qui se développe et s’adapte continuellement conserve son identité, fidèle à un patrimoine génétique présent dès le premier instant de sa conception. Cela non plus ne doit pas nous étonner. Dieu, qui est à l’origine des dogmes, veille aussi à la cohérence de leur développement, à travers l’autorité de l’Eglise catholique, elle-même garantie par le Christ : « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16, 18). Dieu se révèle et veille ensuite à la transmission fidèle de sa Révélation.

Les dogmes n’ont pas pour vocation de provoquer des divisions entre les hommes, comme écrivait l’auteur de l’article sur le soi-disant « cancer » de l’Eglise. Le premier dogme est celui de connaître Dieu et de l’aimer, et le deuxième, celui d’aimer le prochain comme Dieu nous aime.

Loin d’être un cancer, les dogmes sont un cadeau de Dieu. Sans ces vérités de la foi, sans la voix de Dieu qui nous parvient à travers l’Eglise, nous ne saurions d’où nous venons ni où nous allons. Nous ne saurions pas non plus comment atteindre notre destinée. Peut-on vivre une vie pleinement humaine sans connaître ces vérités ?, se demandait Joseph Ratzinger. Rendons grâces à Dieu pour sa Révélation : si nous l’acceptons librement, elle nous permet de vivre une vie d’espérance et, avec l’aide de la grâce, d’atteindre l’éternité de bonheur à laquelle notre cœur aspire.

Emmanuel Cabello est prêtre, Docteur en Sciences de l’Education et en Théologie. Cet article a fait l’objet de quelques modifications le 20-2-16.