Au-delà de toute convention, les fiançailles sont là pour susciter les conditions d’un « oui » aussi libre et entier que possible, afin de permettre au mariage d’être vraiment « bâti sur le roc » (Matthieu 7, 24) et de porter tous ses fruits.
Cet article est publié en deux parties ; la première partie se trouve ici.
Les fiançailles comme temps de détachement
Les fiançailles sont aussi un temps pour se détacher progressivement de sa famille afin de créer son propre foyer, selon la parole de la Genèse : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et les deux ne feront plus qu’une seule chair » (Genèse 2, 24).
On n’apprend que progressivement à se détacher de ses parents et à fonder son propre foyer
Le temps des fiançailles est donc à destination des fiancés, mais aussi des parents qui apprennent à lâcher leur enfant qui fonde son foyer. Il y a des liens de plus en plus fusionnels dans les familles aujourd’hui. Est-ce que l’on a intégré que le mariage, c’est « quitter son père et sa mère » ? Là aussi, il y a besoin d’un vrai chemin de maturation et de discernement, et cela peut se tester sur des choses très concrètes. Est-on obligé d’appeler ses parents tous les jours ? D’aller les voir toutes les semaines, avec une régularité gravée dans le marbre ? Il n’y a pas de modèle qu’il faudrait reproduire : chacun doit trouver son propre fonctionnement et la question est le rapport à la liberté.
Est-ce que je me sens obligé de tout dire, de tout partager ? Parfois les frères, les sœurs et toute la famille, sont au courant de tout ce qui se passe dans la vie du couple : c’est insupportable. Cela piège la liberté de s’engager et ce peut-être le signe d’une certaine immaturité familiale. La préparation matérielle du mariage est un bon test, un vrai lieu de liberté. Ce n’est pas parce que les parents financent le mariage qu’ils doivent tout contrôler et donner leur avis sur tout. Où est le signe d’une vraie liberté ? Il doit y avoir une belle collaboration, c’est une question d’équilibre. C’est l’occasion de vivre vraiment ces questions. Si l’homme ou la femme demande toujours l’avis des parents, cela sera la même chose pour l’éducation des enfants et de nombreux autres sujets. Est-ce que le futur couple sera aussi dépendant financièrement des parents ? C’est plus confortable sans doute ; mais est-ce que cela sert la liberté et la maturation ? Personnellement, je n’y crois absolument pas.
Avec tout cela, on est loin du chemin de fiançailles qui parle seulement des valeurs et des piliers du mariage
On a besoin de chercher dans un chemin de discernement et de maturation, à concrétiser, à incarner les choses, à les ancrer dans le vécu, sinon la préparation risque de rester théorique.
Les enjeux spirituels
Le sacrement de mariage a aussi trois ou quatre enjeux spirituels majeurs pour le couple : la fortification de l’amour humain, la mise en pratique de la miséricorde et du pardon, et la construction de la famille comme Église domestique, pour que le mariage soit réellement sacrement, c’est-à dire signe convaincant de la fidélité et de l’amour de Dieu à la fois pour les conjoints, pour leurs enfants (ad intra) et pour le monde (ad extra).
La fortification de l’amour humain est demandée à Dieu
Il faudra aussi se poser cette question pendant les iançailles et tout au long de notre vie : comment la grâce de Dieu, que je reçois et demande personnellement et ensuite en couple, va-t-elle fortifier mon amour conjugal ?
La miséricorde et le pardon sont nécessaires à la vie de couple
Puisque mon amour est nécessairement blessé par le péché originel, est-ce que je vis au sein de mon couple ce que je vis dans la foi ? La miséricorde vient guérir la pauvreté de l’amour conjugal avec la reconnaissance qui va avec : je dois reconnaître que mon amour conjugal est pauvre. Il ne faut pas se marier en pensant que l’on est très fort et très costaud.
La construction de l’Église domestique est la finalité spirituelle du sacrement de mariage
A-t-on conscience que cet amour conjugal fera de nous une véritable Église domestique ? Par son amour conjugal, un couple va témoigner de la fidélité et de l’amour de Dieu. C’est en ce sens que le mariage est sacrement, c’est-à-dire signe et moyen efficace de la grâce de Dieu.
Il est signe et moyen pour les conjoints, pour les enfants (ad intra) et pour les autres (ad extra) vis-à-vis du monde et de l’humanité qui a tellement besoin de recevoir le témoignage de la fidélité de l’amour. Si cela marche, et une grande proportion des mariages en sont la preuve, il faut que cela rayonne pour que le mariage exprime la plénitude du sacrement : pour qu’il devienne « signe et moyen efficace » (Vatican II).
Aujourd’hui, on parle souvent d’évangélisation : évangélisation au travail, dans des activités sociales, en politique, etc. Très bien. Mais parle-t-on du premier lieu de témoignage et d’évangélisation qu’est sa vie conjugale ? Trop peu !
Modalités pratiques
Comment vivre les fiançailles de manière concrète ? Il faut nécessairement du temps, un minimum de discrétion, un bon accompagnement et une juste expression de l’événement que constituent les fiançailles.
Cela demande du temps : au moins un an probablement
Des fiançailles de trois ou quatre mois n’ont pas de sens : d’une part, parce que cette maturation dont nous avons parlé ne se fait pas en si peu de temps. D’autre part, ces quelques mois correspondent bien souvent à la préparation matérielle du mariage. C’est trop tard pour mûrir un projet. Il est nécessaire en général d’avoir une bonne année de fiançailles avec un vrai temps de réflexion, sans être mobilisé par la préparation au mariage, alors que la date est prévue et que tout est réservé. Il n’y a pas de maximum : cela dépend des histoires.
Les fiançailles ont besoin de commencer discrètement, dans le secret du cœur
C’est comme pour un embryon. Après la fécondation, il y a une période, de huit à quinze jours, où personne ne peut savoir que l’ovule est fécondé et que l’embryon existe : Dieu seul le sait. Pour le couple, c’est analogue : le couple a besoin de se construire un peu dans le secret. On n’est pas obligé de prévenir tout le monde, pas obligé de changer son profil Facebook immédiatement ! On laisse naître les fiançailles de manière un peu cachée, loin de toutes les contraintes sociales et familiales : elles sont à construire dans la paix et la liberté. Cette conception élargit le sens des fiançailles, mais c’est dans la logique d’une vraie préparation et d’une maturation paisible et solide.
Il est bon d’être accompagné
Le temps est nécessaire pour mûrir et il est bon d’être accompagné par une tierce personne : amis et famille ne sont pas nécessairement bons accompagnateurs. Un prêtre oui, une préparation au sein de sa paroisse également ; on peut aussi penser à des retraites pour couples, des parcours sur la vie conjugale, etc. Attention à ne surtout pas attendre la préparation au mariage pour se faire accompagner parce que, pendant la préparation au mariage, quand on sait que le mariage est prévu dans quatre mis, on n’a plus la même liberté.
Ne pas « trop » célébrer les fiançailles
Là encore, restons prudents : les fiançailles ne sont pas un pré-mariage. Si l’on décide de les marquer, il est sage de rester sobre et simple dans la célébration, dans la liturgie comme dans les invitations. Les règles de la liturgie imposent normalement de ne jamais célébrer de fiançailles pendant une messe pour deux raisons : d’abord l’Église ne veut pas créer une confusion en imitant le mariage qui est un vrai sacrement ; et ensuite elle ne veut pas donner un signe contradictoire, car l’Eucharistie est le don du Corps du Christ pour la vie, de même que le mariage de manière analogue, mais il n’y a aucune analogie avec les fiançailles.
Le Père Cédric Burgun est prêtre du diocèse de Metz et membre de la Communauté de l’Emmanuel. Actuellement vice-doyen de la faculté de droit canonique à l’Institut catholique de Paris et directeur au séminaire des carmes. Juge ecclésiastique pour les questions de nullité de mariage, il s’occupe aussi de nombreux couples de fiancés. Source : https://questions.aleteia.org/articles/41/pourquoi-le-temps-des-fiancailles-est-il-si-important/#