L’Église est de plus en plus consciente que les abus sexuels ne sont pas les seuls à devoir être prévenus et réparés, mais que les abus de pouvoir et de conscience doivent également être pris en compte. À tel point qu’elle les a typifiés dans le Code de Droit Canonique.
En bref, l’abus de pouvoir peut être défini comme l’utilisation indue de l’autorité (par exemple par un prêtre, un enseignant, un parent ou un patron) pour imposer arbitrairement des décisions qui affectent la liberté extérieure des personnes avec lesquelles on a une relation asymétrique.
L’abus de conscience, quant à lui, est une manipulation qui utilise la morale ou la foi pour influencer la volonté interne, en suscitant la culpabilité ou la peur. Bien que ces abus soient de nature distincte, ils se produisent souvent ensemble, car la manipulation de la conscience facilite la soumission au pouvoir.
Facteurs qui favorisent les abus
Pourquoi ce type de situation est-il de plus en plus souvent signalé et quels sont les facteurs qui en favorisent l’apparition ? On peut distinguer quatre facteurs qui facilitent les abus de pouvoir et de conscience dans la sphère ecclésiale :
– La structure hiérarchique : l’autorité des prêtres, des évêques et des supérieurs, associée à un esprit clérical qui idéalise leur figure, rend difficile la remise en question de leurs ordres et de leurs conseils.
– La culture du secret institutionnel : la peur du scandale public. De nombreuses institutions ont tenté de résoudre les cas d’abus par des procédures internes qui ne servent pas au mieux les intérêts des victimes et dont le manque de transparence empêche les autres membres de l’institution de tirer les leçons des erreurs commises.
– Manipulation spirituelle et doctrinale : en déformant des concepts tels que « obéissance » ou « péché », les victimes d’abus spirituels et d’abus de pouvoir voient leur liberté contrainte.
– Dépendance émotionnelle et matérielle : dans les communautés religieuses et d’autres groupes fermés, le pouvoir économique et social du groupe génère des relations asymétriques qui peuvent conduire à des abus. D’autre part, en raison du sentiment naturel d’appartenance qui se crée, la volonté individuelle peut être réprimée par crainte des conséquences : isolement social, sentiment de trahison de la communauté, représailles, incapacité financière à mener une vie indépendante de l’institution, etc.
Quand ce qui semble être un abus ne l’est pas vraiment
Malgré tout cela, il existe aussi des cas où on peut penser à l’existence d’un abus de pouvoir ou de conscience, alors qu’il n’en est rien. Lorsqu’on juge les événements du passé avec la mentalité d’aujourd’hui, peuvent surgir de nombreux anachronismes qui nous conduisent à tout censurer avec une sensibilité injuste à l’égard de la capacité d’agir dont disposaient les gens dans le passé.
Plusieurs circonstances favorisent cette situation :
– Les relations asymétriques, qui sont inhérentes à la société. Dans de nombreuses institutions telles que la famille, l’entreprise ou l’école, il existe des relations d’autorité qui, bien qu’inconfortables ou inappropriées, ne doivent pas être considérées en elles-mêmes comme des abus. Un parent strict peut sembler abusif aux yeux d’un enfant rebelle, tout comme un employé peu tolérant peut penser que toute exigence de son patron est un abus. Il peut en être de même pour les conseils donnés par un directeur spirituel, bien que dans ce domaine, la délicatesse et le respect de la liberté personnelle seront toujours une ligne d’action fondamentale. Tenter d’influencer les autres est quelque chose de tout à fait naturel dans notre société, et nous vivons avec des exemples tels que la publicité ou les influencers.
– Les différences de sensibilité et d’attentes peuvent conduire à des malentendus : dans ce domaine, par exemple, de nombreuses coutumes classiques en matière de discipline spirituelle peuvent être ressenties comme oppressives par ceux qui n’en ont pas compris le sens ou qui ne les intègrent pas correctement dans leur projet de vie.
– Dans toute institution, il peut y avoir des personnes qui commettent des abus de pouvoir ou de conscience occasionnellement ou même régulièrement, mais cela n’implique pas que ces cas particuliers doivent être considérés comme la règle générale.
– Acceptation et pratique de la correction dans l’accompagnement spirituel : il y a des personnes qui, dans certains contextes, ont des difficultés à discerner correctement des situations personnelles ou spirituelles et, en même temps, interprètent tout type de correction comme une manipulation. Cela peut être dû à de véritables abus dans le passé, à des réinterprétations ultérieures des faits, ou à un manque de maturité pour résister à la pression d’une vie chrétienne exigeante.
– Enfin, l’esprit humain réinterprète naturellement le passé de manière subjective pour justifier ses propres décisions (par exemple, en raison d’un biais de confirmation ou d’intérêt personnel). Certaines normes religieuses sont librement assumées, mais lorsqu’elles ne sont plus vécues, elles sont réinterprétées comme oppressives ou abusives.
Une réflexion nécessaire
L’abus de pouvoir et l’abus de conscience existent au sein de l’Église et de ses diverses institutions. De nombreuses structures doivent être réformées pour améliorer la transparence afin que de tels cas ne puissent pas se produire aussi facilement, mais il est également nécessaire de discerner entre les abus réels et les dénonciations infondées ou exagérées, sans minimiser en aucune façon la souffrance légitime des individus.
En outre, l’expérience de l’Église a conduit, au cours des dernières décennies, à insister sur la séparation entre la sphère de la direction spirituelle et celle de la gouvernance institutionnelle, en exhortant les institutions religieuses à s’assurer que ceux qui fournissent un accompagnement spirituel aux personnes ne soient pas les mêmes que ceux qui exercent la gouvernance institutionnelle sur ces mêmes personnes.
Du point de vue des fidèles, il est essentiel de former les âmes à la liberté, afin qu’elles puissent assumer les règles d’une institution avec une véritable liberté intérieure et sachent discerner s’il s’agit d’une demande légitime ou d’un abus de la part d’un supérieur. C’est ainsi que les catholiques pourront faire la différence entre une autorité responsable et un contrôle illégitime, entre un bon conseil et une manipulation.
Javier García Herrería et Paloma López Campos sont des rédacteurs de l’hebdomadaire Omnes. Source : https://www.omnesmag.com/recursos/contexto-abusos-poder-y-conciencia/. Cet article a été traduit de l’espagnol par Stéphane Seminckx.