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Le « libre choix » d’enterrer mon enfant

17 juin 2015

 

J’ai perdu un enfant.

Il n’était pas bien grand, à peine 10 cm. 10 cm mais un cœur qui battait.

La vie change tout de suite de couleur. Chaque fibre de mon corps s’organise et se réoriente vers cette vie naissante. Le cœur s’ouvre au dialogue avec ce petit qui se développe cellule après cellule, dans un processus tellement doux, normalement ininterrompu, jusqu’à la naissance. La première échographie est d’ailleurs un moment magique : mon bébé bouge et je le vois. Il est quelqu’un !

Quand un jour les pertes de sang m’ont alertée, j’ai couru chez le gynéco. Et là, le verdict tombe : le cœur ne bat plus, le fœtus est mort. Et pour me consoler, il me dit que « la nature fait parfois bien les choses : une forme de sélection naturelle. »

Vient ensuite la mise en route de la machine médicale pour faire un curetage et nettoyer l’utérus. Mon enfant de 10 cm sera inspecté, analysé, pour comprendre la possible cause de cet arrêt de grossesse. Ce tout petit dont j’ai vu le visage et qui a entendu ma voix, on me dit qu’on va le jeter et le brûler avec les autres déchets hospitaliers. Voudriez-vous me faire croire que pour mieux m’en remettre, il faut faire semblant qu’il n’a pas existé ?

Au contraire, je lui ai donné un nom : il s’appelle Alexandre. Mais son corps est dans la poubelle…

Une loi qui reconnaîtra l’existence furtive de l’enfant né sans vie à partir de 140 jours

Face à la souffrance de tant de mamans, des hommes et des femmes sensibles ont compris combien nous, les parents endeuillés dès avant la naissance de leur enfant, avions besoin d’inscrire nos enfants nés sans vie ou morts durant la grossesse dans le grand livre de l’Histoire et de notre vie sociétale.

C’est ainsi que ces gens de cœur ont déposé une proposition de loi qui reconnaîtra l’existence furtive de l’enfant né sans vie à partir de 140 jours. Cette loi permettra à ceux qui le demandent de prendre soin du corps de cet enfant mort avant de voir le jour : nous pourrons l’enterrer.

En effet, qui pourrait rester insensible à la blessure de ces parents dont l’enfant né sans vie est considéré comme un déchet ?

Cette réflexion parlementaire a été initiée depuis plusieurs années. Les associations de parents (Vlavabbs, Met Lege Handen, Parents désenfantés asbl) se réjouissent. Nous arrivons bientôt, enfin, à une reconnaissance de la réalité et de tous nos « Alexandre ». C’était un accouchement. Cela restera mon enfant toute ma vie.

Les parents désenfantés prématurément demandent tout simplement la reconnaissance de leur tout petit de 140 jours et de 10 cm, mais certains idéologues craignent que cette reconnaissance ne mette en danger la loi dépénalisant l’avortement.

Au nom du combat idéologique, nombreux sont ceux qui en arrivent à complètement se déconnecter de la réalité des personnes. A quoi bon cette victoire du « libre choix » si notre souffrance de parents qui pleurent, se trouve bafouée, ignorée, piétinée ?

Pour faire le deuil de cette vie qui a grandi en mon sein avec laquelle j’ai tissé des liens, qui a échangé avec mon mari et l’aîné de mes enfants, le nommer, c’est déjà le chérir, mais aussi accepter son existence propre et si brève. Pour ces nombreuses femmes touchées par la perte d’un bébé avant la naissance, aurons-nous assez de cœur et d’audace pour les aider à reconnaître la réalité de cette vie ?

Carine Thieffry se présente dans l’intitulé de l’article comme mère de famille. Cette opinion a été publiée sous le titre « Notre « libre choix » d’enterrer notre enfant et de l’inscrire dans notre histoire » dans La Libre Belgique du 16 juin 2015 : http://www.lalibre.be/debats/opinions/notre-libre-choix-d-enterrer-notre-enfant-et-de-l-inscrire-dans-notre-histoire-5580007635709bdfaa7b3056.