De nombreux catholiques, même parmi les plus croyants, semblent avoir renoncé au célibat des prêtres. A notre époque post révolution sexuelle, beaucoup voient le célibat comme un refoulement malsain des pulsions sexuelles, encourageant l’épidémie d’abus sexuels dans le clergé actuel. Selon cette ligne de pensée, si nous voulons nous débarrasser des abus sexuels commis par des prêtres, nous devons nous débarrasser du célibat.
C’est une solution qui, selon les mots d’un critique littéraire, est « géniale, plausible et complètement fausse ».
Le célibat est un don précieux et irremplaçable
Le célibat n’est pas le problème. Les abus sexuels commis par des membres du clergé ne sont pas plus causés par le célibat que les adultères ne sont causés par le mariage. Il y a violation de promesses sacrées dans les deux cas, promesses que le Seigneur s’est engagé à aider à vivre fidèlement. Pour le dire autrement, autoriser les prêtres à se marier ne protégerait pas des transgressions sexuelles. Le mariage n’est malheureusement pas exempt de scandales et d’abus sexuels.
Le problème n’est pas le célibat mais un célibat mal vécu. C’est le fait de prêtres ne vivant pas chastement. La réponse appropriée n’est pas de supprimer le célibat mais d’exiger que les prêtres, tout comme les gens mariés, soient à la hauteur de leur vocation.
En fait, le célibat lui-même est un don précieux et irremplaçable pour l’Eglise. Il est généralement défini de manière négative comme « absence de mariage ». Mais c’est un choix positif, une puissante façon d’aimer avec une unicité d’objectif et une ouverture de cœur sans égale. Il permet au prêtre de vivre sa paternité spirituelle avec force et efficacité.
Les bénéfices spirituels du célibat sacerdotal ont enrichi l’Eglise et même la culture en général depuis des siècles. On abolirait ce célibat dans ce moment d’exaspération qu’on ne résoudrait pas le problème des abus sexuels mais en plus on priverait les générations futures des innombrables grâces de la paternité spirituelle qui nous parviennent par le célibat sacerdotal.
La sélection des candidats au sacerdoce
Alors, comment expliquer l’actuelle tempête de scandales ? L’histoire n’est pas bien jolie, mais il y a de bonnes nouvelles à la fin.
Tout d’abord, depuis des décennies, l’examen des candidats à la prêtrise a été incroyablement léger. Etre doué pour les études et être recommandé par un prêtre étaient généralement suffisants. Pas d’investigation poussée sur le caractère moral, la maturité spirituelle, pas de références exigées, pas d’examen psychologique.
L’Eglise a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les hommes ayant des inclinations homosexuelles installées ne devaient pas être admis au séminaire (à ce propos, le dernier document à le rappeler a été approuvé par le pape François en 2016). Néanmoins, de tels hommes ont été admis en grand nombre.
Bien sûr, de nombreux prêtres ayant des tendances homosexuelles ne sont pas coupables d’agressions sexuelles et vivent saintement. Cependant, la grande majorité des abus sexuels commis par des prêtres consiste en abus homosexuels sur des garçons et de jeunes hommes. Aussi controversée qu’elle ait été, la sagesse de la détermination de l’Eglise est devenue, avec le recul, claire comme de l’eau de roche. Ne pas l’avoir respectée a eu des conséquences désastreuses dans les vies de milliers de jeunes hommes durant plusieurs décennies.
Une formation à la chasteté
Deuxièmement, depuis des années, les séminaristes ont reçu une formation terriblement inadéquate pour vivre un célibat chaste. Selon le témoignage de prêtres formés durant ces années de bouleversement, principalement les années 70 et 80, les pratiques ascétiques et de vie intérieure nécessaires pour soutenir une chasteté saine n’étaient pas sérieusement inculquées. Beaucoup d’hommes ont même été ordonnés alors qu’ils avaient l’impression — fausse mais renforcée par des professeurs de séminaire — que l’obligation du célibat serait rapidement supprimée.
Dans certains séminaires, une culture dépravée de licence sexuelle parmi les séminaristes et même parmi les enseignants a corrompu des jeunes gens vulnérables ou a chassé de dégoût ceux qui cherchaient la vertu. Pour rendre les choses pires encore, dans plusieurs séminaires, la dissidence théologique et l’expérimentation liturgique étaient endémiques, conduisant à un double standard hypocrite que les hommes ont emporté avec eux dans la prêtrise.
L’infidélité intellectuelle nourrit invariablement l’infidélité morale. Si je peux tordre les enseignements de l’Eglise pour qu’ils collent avec mes propres opinions, préférences et lubies, pourquoi cette arrogance se limiterait-elle aux propositions dogmatiques et aux normes liturgiques ? Pourquoi ne s’attaquerait-elle pas aussi aux préceptes moraux ? La dissidence qui suppurait depuis des décennies dans les facultés de théologie a eu un prix à payer dévastateur pour l’Eglise, pas uniquement en confusion doctrinale et liturgique mais également, je l’affirme, en abus sexuels.
Finalement, une fois ordonnés, certains prêtres qui avaient grandi dans ce climat de duplicité laxiste ont été, sans surprise, infidèles. Et leurs supérieurs les ont rarement réprimandés de façon significative. Certains ont été à plusieurs reprises réaffectés mais quasiment aucun n’a été révoqué. Beaucoup d’évêques ont perdu courage et confiance en soi. L’extension de la corruption cléricale était un embarras douloureux pour les évêques et il en est résulté une culture du secret qui arrive maintenant en lumière.
Un nouvel élan dans la formation sacerdotale
Dieu merci, ce n’est pas la fin de l’histoire. De nombreux prêtres et évêques, contre toute attente, sont demeurés fidèles durant ces années lugubres, et aujourd’hui nous honorons leur témoignage héroïque. Alors est arrivé le document marquant de 1992, Pastores Dabo Vobis, dans lequel saint Jean-Paul II proposait un portrait tonique de la prêtrise et de la formation en séminaire.
Dans les années qui ont suivi, il a été mis en pratique de façon inégale de par le monde, mais la tendance à l’amélioration dans la qualité de la formation était manifeste. Les critères d’admission dans de nombreux diocèses se sont durcis et la qualité de formation dans la plupart des séminaires s’est améliorée de façon spectaculaire. Bien que beaucoup n’en aient pas pris conscience, la réforme du clergé a commencé il y a plus de vingt ans.
Il reste encore à faire. Puisque le célibat sacerdotal est un moyen privilégié de vivre la paternité spirituelle, nous devons continuer à améliorer la sélection et la formation des futurs prêtres à la lumière de cette paternité. Ils doivent avoir une identité masculine affirmée et un désir du mariage et de la paternité normal et sain, la capacité mûrie de renoncer à ces grands dons en vue de se consacrer à la paternité surnaturelle et posséder ou montrer des aptitudes pour les qualités humaines et les vertus qui font les meilleurs pères selon la nature.
Une fois ordonnés, les prêtres devraient être tenus aux plus hauts critères de chasteté. Les violations devraient être abordées systématiquement, rapidement et honnêtement, avec le sérieux qui convient à un important abus de confiance aux dépens de sa propre famille spirituelle. La chasteté — sereine, profonde et joyeuse — au service de la paternité sacerdotale est sans aucun doute la voie d’une authentique réforme de la prêtrise.
Les médecins médiévaux, avec les meilleures intentions, ont souvent traité des maladies en soutirant du sang à leurs patients, les privant à leur insu des nutriments mêmes dont ils avaient besoin pour aller bien. Ceux qui cherchent à soigner la maladie des abus sexuels dans l’Eglise en lui soutirant la grâce du célibat feront peu pour soigner la maladie et priveront cependant le Corps du Christ des nutriments spirituels nécessaires pour recouvrer la santé.
Si nous souhaitons régler le problème d’abus sexuels commis par des membres du clergé, nous devrions commencer par attendre de nos prêtres la même fidélité que celle que nous attendons de n’importe qui d’autre, et les appeler à embrasser, par le don du célibat, les bénédictions de la paternité spirituelle dont nous avons besoin aujourd’hui plus que jamais.
Le Père Carter Griffin est un prêtre de l’archidiocèse de Washington. Depuis 2011, il est chargé de la sélection et de la formation des séminaristes au séminaire Saint Jean-Paul II du district de Washington. Il est diplômé de Princeton et est un ancien agent de ligne de la US Navy. Cet article a été publié le 5 mars 2019 dans France Catholique. Source : https://www.france-catholique.fr/Le-celibat-est-la-reponse-et-non-le-probleme.html. Les intertitres sont de notre rédaction.