Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies ont publié à l’automne dernier Dieu, la science, les preuves qui est un véritable best-seller avec déjà plus de 100.000 exemplaires vendus. Nous reproduisons ici une bonne partie de la recension que Mgr Léonard en a faite.
L’ouvrage de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu, la science, les preuves, préfacé par le prix Nobel de physique, Robert W. Wilson, est, en tous points, remarquable.
Après une introduction consacrée à la notion même de preuve scientifique, il établit que la certitude de la mort thermique de l’Univers, liée à son entropie croissante, à son inéluctable désorganisation, implique nécessairement aussi qu’il a eu un commencement, ce que confirme la théorie du Big Bang, universellement acceptée aujourd’hui. Celle-ci consiste à affirmer que l’Univers physique que nous connaissons s’est développé à partir de ce que l’abbé Georges Lemaître, un des auteurs de cette théorie (qui n’était pas jésuite mais un simple prêtre diocésain), appelait familièrement un « atome primitif » contenant toute l’énergie, la matière et l’information qui se déploieraient progressivement, dans l’espace-temps, engendré lui-même avec l’explosion de cet atome, et ce à la faveur de l’expansion de l’Univers, autre élément essentiel de cette théorie, confirmé ensuite expérimentalement.
Cette extraordinaire découverte scientifique pose une question essentielle, qui n’est plus, elle-même, du ressort de la science : d’où proviennent l’existence et le contenu de cet atome primitif ? Il est impossible de répondre scientifiquement à cette question de l’origine, dès lors que l’atome primitif ne comporte pas d’« avant », puisque le temps lui-même, tout comme l’espace, est né avec le Big Bang. Vous pouvez légitimement tenir que le Big Bang était « précédé » par les mathématiques et par une « intelligence » portant les vérités mathématiques. Vous pouvez même émettre l’hypothèse qu’une volonté créatrice est responsable de l’existence même de cet atome primitif. Mais, ce faisant, vous sortez du raisonnement purement scientifique et entrez dans le domaine plus large des vérités philosophiques ou, plus précisément, « métaphysiques ». Beaucoup de scientifiques, sortant du registre purement scientifique, s’engagent dans un questionnement métaphysique. L’ouvrage en donne de nombreux exemples. Ils ne trahissent nullement la rigueur qu’impliquent les sciences. Ils manifestent simplement que la raison philosophique est plus large que la raison scientifique et formulent les implications exigées rationnellement par les données de la science.
Une démarche analogue s’impose en vertu du « principe anthropique » tenu par nombre de scientifiques, selon lequel l’apparition de la vie et, singulièrement, de la vie humaine n’a été possible, au cours d’une longue évolution, qu’à la faveur de réglages extrêmement précis, tels que la moindre différence de ces paramètres, fût-elle infinitésimale, eût rendu impossible la texture actuelle de l’Univers et, spécialement, la naissance de la Terre et, en son sein, de la vie et de l’homme (anthropos, en grec). Attribuer au hasard cette formidable évolution du Cosmos et ce surgissement de la vie et de l’homme ne tient plus la route aujourd’hui. Beaucoup de scientifiques, ici aussi, reconnaissent la réalité d’un « principe anthropique », en ce sens que les paramètres fondamentaux de l’Univers semblent avoir été calculés de manière très fine de telle sorte que l’éclosion de la vie et de l’homme sur la Terre y fut possible. Affirmer que cela a été réglé par une Intelligence créatrice n’est pas du ressort de la science elle-même, mais d’une raison philosophique plus large. C’est ainsi, par exemple, que l’Evangile de Jean (cf. Jn 1, 1-3), en tenant que tout a été créé par Dieu dans son Verbe, par son « Logos », invite à penser que si la Création est si prodigieusement organisée et intelligible, c’est parce qu’elle provient d’une Pensée intelligente. Au point qu’en produisant finalement un « animal logique », un « zôon logikon », comme disait Aristote, l’Univers restitue, en quelque sorte, son origine : créé par une Pensée, il finit par faire surgir en son sein un être « pensant » qui transcende, par sa pensée, l’Univers entier.
Ce que j’évoque ici rapidement est développé en long et en large dans cet ouvrage dont le souci pédagogique est remarquable. Certes, plusieurs formules physiques et mathématiques échappent aux profanes (dont je suis), mais elles sont suffisamment illustrées pour être accessibles aux non-spécialistes. C’est pourquoi ce livre se lit aisément et même avec passion, presqu’à la manière d’un roman. D’autant qu’il cite les nombreux témoignages d’hommes de science, ouverts, par ailleurs, à la foi en Dieu. Cela donne à réfléchir, et avec bonheur.
Cette œuvre volumineuse comporte une seconde grande partie consacrées à des « preuves » qui ne sont pas tirées, moyennement un raisonnement philosophique, de la science contemporaine, mais plutôt de données historiques troublantes, liées essentiellement à l’histoire du peuple hébreu et à la figure du Christ.
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Les preuves non liées à la science mais à la raison
Après avoir exposé les « preuves » de l’existence d’un Dieu, excellent mathématicien et génial concepteur, « liées » à la science (mais non « affirmées » par elle-même), ce livre excellemment documenté traite des preuves non liées à la « science » mais à la « raison », plus large que la science, et spécialement au « savoir » historique.
Il fait valoir tout d’abord que certaines vérités concernant le cosmos et l’origine de l’humanité sont déjà présentes dans la Genèse et que les prétendues erreurs de la Bible n’en sont pas. Cela semble flirter dangereusement avec le concordisme, voire le fondamentalisme. Mais les auteurs sont bien armés pour s’en défendre.
Dans la foulée, la figure du Christ Jésus est fermement dégagée, dans sa réalité à la fois humaine et divine, par-delà les vaines entreprises pour la ramener à une dimension purement humaine, voire dégradante. Ces pages permettent surtout de découvrir, de manière bien réfléchie, le visage d’un Dieu personnel, qui n’est pas seulement un mathématicien ou un concepteur, mais un Dieu d’amour soucieux du salut temporel et éternel de l’humanité.
Le destin absolument unique du peuple juif est également souligné avec force et de manière convaincante, tout en évitant le piège qui eût consisté à y trouver une quelconque justification de certains aspects de la politique actuelle de l’Etat d’Israël.
Quant à la présentation du « miracle » de Fatima, elle pourrait surprendre dans un ouvrage essentiellement tourné vers la science, mais elle est solidement documentée et pleinement convaincante. Elle rejoindra aussi — ce qui n’est pas négligeable — les lecteurs peu informés de la science contemporaine, qui seront heureux d’y trouver une preuve « expérimentale » de l’existence de Dieu, accessible à tous.
La fin de l’ouvrage se présente comme une ultime réfutation d’une vingtaine d’objections avancées contre l’existence de Dieu par les matérialistes de tout poil. Ces quelques 30 pages, menées tambour battant, sont d’excellente tenue. Sauf peut-être celle qui concerne l’objection du mal. Mais certaines carences s’expliquent du fait que l’ouvrage n’envisage explicitement que l’aventure de la Création en son stade actuel et ne fait qu’effleurer les deux autres états de la Création, ceux qu’évoquent l’Apocalypse et la Genèse. D’où mon insistance sur le thème du « triunivers » (*), si le lecteur me permet ce néologisme.
André Léonard est archevêque émérite de Malines-Bruxelles. Il est théologien et a enseigné la philosophie à l’Université de Louvain. Cet article a été publié dans le numéro de février 2022 de la revue « La Nef ». Il a fait l’objet d’une correction le 6-3-22. Le livre peut être commandé ici.
(*) NDLR : Mgr Léonard développe cette idée du « triunivers » dans une partie de l’article que nous n’avons pas publiée, afin de respecter les critères de didoc quant au format des textes et de ne retenir que le commentaire de l’auteur sur le livre récemment publié. Cette idée est développée dans le livre très connu : André Léonard, Les raisons de croire, Sarment/Jubilé 2010.
La notion de « triunivers » repose, d’une part, sur la description de la création dans la Genèse, avant le péché originel, où il est question d’un univers difficilement comparable au nôtre, et, d’autre part, sur l’Apocalypse qui évoque, à la fin des temps, l’avènement d’un « ciel nouveau » et d’une « terre nouvelle », dont les conditions seront aussi totalement différentes de notre monde actuel. Le premier univers, d’avant le péché originel, serait donc étranger à l’univers issu du Big Bang, origine du temps et de l’espace tels que nous les connaissons, tandis que l’existence du troisième semble être confirmée par la science — par la thermodynamique — qui prédit l’inéluctable « mort thermique » de notre Univers actuel.