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La politique ne peut changer la structure du mariage

1 mai 2013

Mgr Tony Anatrella a accordé une interview le 22 avril dernier à l’agence Zenit.Il y commente et analyse le phénomène de la légalisation, en France, du mariage homosexuel. Nous reproduisons ici une version abrégée de cet entretien.

 

Pourquoi le Parlement français s’apprête-t-il à voter la loi sur le « mariage » des personnes homosexuelles alors qu’elle ne fait pas l’unanimité des Français ?

— La loi ne fait pas et ne fera pas l’unanimité tout simplement parce que la population et en particulier les jeunes générations prennent conscience des enjeux anthropologiques de la différence sexuelle et des conséquences psychologiques d’une loi qui a et aura des effets nocifs. Je relèverai au moins trois raisons.

1. La loi divise déjà les Français jusque dans les familles où parfois des gens ne se parlent plus. Elle est superflue et hasardeuse en créant des clivages et des fractures importantes et durables. C’est pourquoi le mouvement social qui s’amorce est loin d’être un simple « baroud d’honneur » que le vote de la loi n’arrêtera pas. Un mauvais calcul politique est fait dans la précipitation anxiogène qui ne peut que se retourner contre les promoteurs d’une loi aussi opposée aux intérêts du mariage et de la famille. Juridiquement elle est incohérente en affirmant une chose et son contraire et elle n’est pas un progrès de civilisation. (…)

2. La loi veut donner les mêmes droits à tous au nom de l’égalité. Cette égalité, je l’ai dit, n’existe pas. Il n’y a pas d’égalité psychologique, sociale et symbolique entre le couple formé par un homme et une femme et deux personnes de même sexe. Le pouvoir politique est dans la déraison d’État et tente de tromper la société en faisant croire que les personnes homosexuelles seraient privées de droits civiques. Ce qui est faux, elles disposent des mêmes droits. Au nom des « droits individuels » soulignés par le ministre de la Justice pour justifier ce nouveau type de « mariage », il est injuste de défaire le bien commun de ses attributs pour les morceler au gré des attentes de chacun. D’autant plus que, si la loi est votée, le mariage ne se sera pas ouvert aux personnes de même sexe, mais il sera foncièrement redéfini à partir de l’homosexualité : ce qui n’est pas la même chose. De plus, il est illogique de définir la filiation comme une fiction pour l’ouvrir aux personnes de même sexe, car il n’est pas dans les capacités de l’homosexualité d’assurer la filiation humaine héréditaire. La justice, l’égalité et l’intérêt premier exigent qu’un enfant puisse avoir un père et une mère. En manipulant ces repères déterminants, on déstabilise les bases du cadre porteur et l’on crée les conditions mêmes d’une révolte sociale. Dans ce même mouvement, le mariage est soumis à l’exigence de la différence sexuelle pour y avoir droit. Deux personnes de même sexe ne sont pas et ne seront jamais dans les conditions de l’alliance matrimoniale. Les plus raisonnables le savent bien et ne veulent pas de ce symbole qui ne correspond pas à leur situation. À moins de jouer l’imposture et la manipulation des narcissiques en se revêtant d’un signe qui ne convient pas à la situation de l’homosexualité.

3. La loi porte également atteinte au sens du mariage et de la filiation, et à la dignité des enfants. Dans ce simulacre de couple et de famille, les enfants, adoptés ou issus de diverses manipulations biologiques, sont malmenés et au service des « désirs » d’adultes qui cherchent à les instrumentaliser. La loi, venant légitimer ces manœuvres, sert simplement à couvrir un mensonge comme pour rendre honorable ce qui ne peut pas l’être lorsque l’on veut prendre « possession » d’un enfant dans n’importe quelle condition (adoption, procréation médicale, mère porteuse et autres manipulations).

Peut-on proposer une autre solution que le mariage ?

— Le mariage n’a rien à voir avec l’homosexualité si ce n’est de venir toujours brouiller davantage les références de base. La classe politique marquée par les idéaux sexuels des années 1970 (indétermination sexuelle, concubinage, grève et peur du mariage, relations multiples, homosexualité) est encore dans la naïveté de croire que l’homosexualité est une forme de sexualité comparable à celle vécue entre un homme et une femme. Ce qui est inexact et ne trouve pas sa place dans le dispositif social ; elle est du domaine de la vie personnelle et privée. La seule solution qui pourrait éventuellement être envisagée, je le répète une fois de plus, est non pas une union civile comme certains politiques le suggèrent car en fait elle ressemblerait à un mariage-bis comme le Pacs, mais un contrat de biens passé devant un notaire et qui serait ouvert à tous. Le mariage étant réservé exclusivement à l’alliance fondée entre un homme et une femme. Nous éviterions ainsi le détournement des symboles et la justification de comportements surfaits. Il serait bien pour la paix sociale et l’intérêt de la société que soit retiré ce projet de loi au bénéfice d’un contrat de biens.

Vous avez fait observer lors de vos précédentes interviews dans Zenit que la violence risque de s’accroître avec la multiplication des manifestations ? Pourquoi ?

(…)

— Il n’y a rien d’homophobe à dire que le mariage est seulement l’alliance entre un homme et une femme, qu’un enfant a besoin d’un homme et d’une femme pour le concevoir et d’un père et d’une mère pour l’éduquer. L’idéologie LGBT (Lesbienne, Gay, Bi- et Transsexuel) est également totalitaire en ayant complètement infiltré les médias et le pouvoir politique. La théorie du genre, dont ce mouvement s’inspire, ajoute de la confusion à l’homosexualité, et encore davantage au sens du couple et de la famille. Il ne faudrait pas que toutes ces manipulations se retournent contre les personnes homosexuelles, dont la situation n’est pas toujours simple, qui n’en demandent pas tant quand on veut faire de leur situation un système et un principe d’organisation sociale.

La colère est immense car cette loi fait violence à la société. C’est donc la loi qui provoque la violence quand elle agresse des fondamentaux de l’existence. Puisque le peuple est aussi massivement et pacifiquement dans la rue parce que le pouvoir politique crée de lui-même un problème social, cela veut dire que les politiques sont en décalage avec le peuple et qu’il se trompe d’objectif. Ils sont dans leur monde déréel et virtuel, et non plus en prise avec les réalités et les souffrances des gens. Ce qui explique la perte du crédit des élus et leur chute vertigineuse dans les sondages. La démocratie ce n’est pas gouverner contre le peuple mais avec et pour lui, avec comme seule perspective, le respect de l’intérêt général qui, ici, est bafoué.

Le fait d’être un élu ne donne pas tous les droits pour disposer des réalités structurantes de la société et de son socle anthropologique. Le pouvoir se met actuellement au service de particularités sexuelles et se transforme en régime des minorités qui feraient la loi. La société n’a nullement besoin du « mariage » entre personnes de même sexe, ce que d’ailleurs comprennent des enfants puisqu’ils ont le sens de ce que sont un homme et une femme, un papa et une maman. Dans une classe de CM2 où les élèves demandaient à leur enseignant de répondre à des questions d’actualité sur ce sujet, ils se sont dits « horrifiés » de voir que l’on voulait marier des personnes de même sexe (« c’est horrible » disaient-ils). Ce qui leur semble illogique et antinomique, et ils ont raison.

Le point pour vous est donc que l’on veut marier des personnes qui ne sont pas en situation pour l’être ?

Bien entendu: c’est la question homosexuelle qui est posée au moment où l’on refuse à s’interroger sur ce qu’elle est, sur son origine, ses structures, ses conséquences psychologiques et sur les comportements mais aussi sur sa prégnance actuelle dans la société. Il faut d’ailleurs toujours faire une distinction entre l’approche sociale de l’homosexualité, qui ne peut pas être source de droits et d’institutions, et l’approche personnelle des individus et de leur famille. (…)

Il faudrait se poser la question afin de savoir comment apparaît et se développe la pulsion sexuelle et qu’est-ce qui la détermine à s’inscrire dans l’homosexualité ? Elle s’exprime à travers tout un système de représentations psychiques qui elles-mêmes sont le résultat de la façon dont l’enfant et l’adolescent intériorisent leur corps et les divers stades du développement. Nous sommes tous passés par le stade de l’identification homosexuée — au parent et aux personnes de même sexe — pour acquérir de la confiance dans son identité sexuelle. Pour de multiples raisons, ce parcours psychique peut prendre diverses formes et notamment en restant attaché aux personnes de même sexe. L’impossibilité de s’acheminer vers l’intériorisation de la personne de l’autre sexe, écarte le sujet de l’altérité sexuelle et de toutes les structures psychiques et sociales qui en découlent. La plupart des personnes homosexuelles le savent et ne tiennent pas à ce que l’on fasse de leur situation particulière une structure sociale.

Autrement dit, et sans entrer dans le détail, l’homosexualité ne peut pas inspirer des lois civiles à moins d’inviter par une loi la société à rester dans le pulsionnel. Or l’homosexualité demeure un fait psychique qu’il revient à chacun d’assumer sans avoir à en faire porter le poids au corps social.

Dans le cas contraire que se passe-t-il ?

— D’une part, on tente de modeler des structures sociales créées en extension à la différence sexuelle pour laisser croire qu’elles concernent également les personnes de même sexe : ce qui ne peut en aucun être pensable. Et d’autre part, on laisse entendre que les pulsions primaires et surtout les pulsions partielles, peuvent également être à l’origine du lien social alors qu’elles sont destructrices de lien quand elles ne sont pas transformées en fonctions supérieures.

Après ce que l’on a appelé la libération sexuelle qui a surtout libéré la sexualité infantile dont fait partie l’homosexualité selon Freud, nous en sommes à une société qui valorise les pulsions sexuelles pour elles-mêmes en dehors de la qualité relationnelle et de sa permanence dans le temps et dans un engagement durable comme l’est le mariage. Dans ce cas tout et n’importe quoi devient possible.

Faut-il y voir l’origine de la violence ?

— Sans aucun doute. La civilisation se bâtit sur la reconnaissance des réalités et en particulier de la différence sexuelle qui est l’un des piliers de la culture. Bannir cette différence ouvre la porte à la violence comme je l’avais montré dans mon livre La différence interdite (Flammarion). Dans les années 1950 on a commencé à dévaloriser l’image du père, puis dans les années 1970 c’est l’image de l’homme qui a été dévaluée en même temps que l’on idéalisait la femme, et depuis les années 1980 c’est l’image de l’unisexualité et de l’indistinction sexuelle qui s’est imposée au point d’être inspiratrice de lois. Lorsque l’image du père et de l’homme se trouve socialement dévalorisée, il n’est pas étonnant d’assister à des phénomènes sociaux liés à l’homosexualité. D’autre part, on constate qu’au moment où le Sénat votait « le mariage pour tous » qui est effectivement un mariage endogamique et incestueux en laissant entendre que la différence sexuelle n’est plus nécessaire pour constituer un couple et une famille alors qu’elle est fondamentale, l’Assemblée nationale votait une loi obligeant les partis politiques à présenter un couple homme/femme lors des prochaines élections départementales alors qu’il n’est pas nécessaire. N’est-ce pas le monde à l’envers ? Faut-il en rire ou en pleurer ? Ce qui montre l’illogisme et l’incohérence, pour ne pas dire la « bêtise » psychotique (au sens psychiatrique du terme) dans laquelle nous sommes au moment où la prégnance de l’homosexualité nous empêche de penser le mariage et la filiation selon la différence sexuelle qui les fonde. Nous sommes ainsi confrontés à la dénaturation du sens des mots quand on s’imagine qu’ils sont à la libre disposition de tous les fantasmes qui, par définition et dans le meilleur des cas, ne sont pas réalisables.

Où est le danger pour la société et pour les personnes ?

— Les pulsions primaires sont asociales et en deçà du lien à l’autre, et donc source de violences, et encore davantage quand elles sont légitimées par la loi. Le fait que la loi civile nous invite à régresser au stade des pulsions partielles et des identifications premières en nous arrêtant à l’homosexualité et en la confondant avec l’édifice du couple et de la famille créé par un homme et une femme, est socialement une source de violences considérables, et d’insécurité pour les enfants. C’est pourquoi, sans le savoir, les gens ainsi agressés dans leurs élaborations intérieures, ne veulent pas être entraînés dans cette régression et descendent donc dans la rue pour dénoncer une loi délétère. La négation d’une différence aussi fondamentale dans la structuration de la vie psychique, de la culture et du lien social est une façon de nier ce qui nous constitue dans la différence sexuelle. C’est en ce sens que le pouvoir politique prend une grave responsabilité quand il est lui-même à l’origine de cette négation au bénéfice d’une indistinction dommageable qui ne peut que générer de la violence. Il est encore temps d’arrêter ce processus régressif qui nous coûtera cher.

(…)

Ce mouvement est-il comparable à d’autres ?

— Certains le comparent à 1789, d’autres à 1930, ou encore à 1968 à l’envers. Aucune de ces analogies ne vaut raison. Nous sommes incapables de penser un mouvement social pour lui-même sans que des commentateurs officiels (politiques et journalistes) gagnés par l’anxiété de leurs incertitudes tentent de l’enfermer dans un événement déjà connu. Il peut y avoir parfois des similitudes, mais l’histoire ne se répète jamais.

La situation est inédite dans la mesure où une majorité de Français ne veut pas de ce néo-mariage qui n’est pas digne du développement et de l’affinement de cette institution au cours des siècles. La situation est encore inédite car les gens ne sont pas dans la rue pour des raisons économiques comme c’est parfois le cas lors des grèves syndicales. Enfin la situation est inédite car des gens, et massivement des jeunes, viennent soutenir une réalité anthropologique : la différence sexuelle qui les a fait naître, grandir et parvenir à la maturité humaine. En cela c’est une nouveauté que le pouvoir politique de façon inconsidérée vient nier en fabriquant de l’inégalité à travers une loi. Il n’est pas réaliste de soutenir l’idée qu’il n’y a pas de modèle unique du couple et de la famille alors que celui-ci a toujours procédé et procédera toujours d’un homme et d’une femme. Le reste n’est qu’un maquillage verbal et un vol d’éléments de langage qui, eux aussi, seront source de violences et de profonds antagonismes car on ment à la société et on met en jeu des structures psychiques et sociales qui ne peuvent se jouer qu’entre un homme et une femme.

Manipuler les symboles structurant la société a un coût. Nous devrions y réfléchir au moment où, une fois de plus, ce sont les citoyens qui doivent payer la facture des erreurs politiques commises en matière financière depuis quarante ans. Le Parlement n’a pas légitimité pour changer la nature du mariage et de la famille. Avec le mariage détourné de sa finalité, c’est une dette plus coûteuse que les générations à venir auront à traiter. Ne l’oublions pas c’est la paternité et la maternité qui ouvrent à la différence et à la diversité, et non pas l’unisexualité institutionnalisée qui, elle, enferme sur le même et le semblable dans l’infécondité humaine et sociale.

Monseigneur Tony Anatrella est psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale. Il est aussi Consulteur du Conseil Pontifical pour la Famille et du Conseil Pontifical pour la Santé. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les questions de l’homosexualité et du gender. Ces propos ont été recueillis par Anita Bourdin. Le texte original, complet, peut être consulté surhttp://www.zenit.org/fr/articles/france-le-mariage-pour-tous-une-loi-impopulaire.