Constance du Bus, porte-parole de la « Marche pour la vie » de Bruxelles, s’exprime sur le site de « Famille Chrétienne ».
En Belgique, la prochaine Marche pour la vie se déroulera le 22 avril à Bruxelles. L’événement aura pour mot d’ordre « Sont-ils voués à disparaître ? » et alertera sur le développement progressif de l’eugénisme.
La prochaine Marche pour la vie se déroule le 22 avril en Belgique. Cette édition 2018 porte-t-elle sur un thème en particulier ? Quel est son mot d’ordre ?
Cette année, nous tirons la sonnette d’alarme de l’eugénisme qui s’installe progressivement dans notre société. « Sont-ils voués à disparaître ? » : c’est ainsi que s’intitule l’affiche de l’édition 2018, illustrée par les visages de personnes menacées par l’avortement (comme les enfants à naître chez qui est détecté un handicap) et par l’euthanasie (comme les personnes âgées, ou celles en grande souffrance physique ou psychologique). Le message souligne aussi le paradoxe qu’il peut y avoir à vouloir sauver les espèces animales en voie de disparition quand des catégories entières de l’espèce humaine sont éliminées par toutes ces pratiques portant atteinte à la vie humaine. On pense bien sûr aux questions soulevées dans l’actualité de cette année, par rapport à l’utilisation du nouveau dépistage prénatal non invasif (DPNI), promu pour dépister plus systématiquement certains handicaps et ouvrant la porte à encore davantage d’avortements. On pense aussi aux débats sur l’euthanasie pour « fatigue de vie » ou « vie accomplie », soi-disant souhaitée par 7 Belges sur 10 selon certaines enquêtes. La situation est très grave : notre société s’embarque dans un tri sélectif des êtres humains en fonction de leurs caractéristiques génétiques ou de leurs circonstances de vie. Le problème est que cela passe sous le vocable de liberté, de disposition de son corps ou de sa vie… Alors que c’est un signe de détresse profonde. Il faut réagir en tant que citoyen, par solidarité, devant tant de dévalorisation de l’humain.
Vos précédentes éditions ont été plutôt bien couvertes médiatiquement. Pourquoi ?
La première édition de la Marche pour la Vie en 2010 a fortement surpris, en particulier le monde politique. C’était en effet la première remise en question publique de la loi de 1990. Suite à la Marche, ils ont cessé les discussions sur l’élargissement de l’accès à l’avortement. Il y a sans doute d’autres raisons à cela, mais cette première Marche y a certainement contribué. La dernière fois que ce sujet a été remis sur la table était l’année dernière. La Marche suivait à quelques jours près l’affaire Mercier (ce professeur de philosophie à l’Université Catholique de Louvain avait soumis à ses étudiants un argumentaire philosophique contre l’avortement comme objet d’étude et de discussion, et avait pour cet acte allant « à l’encontre des valeurs de l’Université » été suspendu de ses fonctions). Nous avons alors bénéficié d’une large couverture médiatique. Quelques semaines plus tard, nous avons appris que les discussions au Parlement sur la question d’élargir l’accès à l’avortement avaient été ajournées.
Votre mouvement étonne-t-il à ce point ?
Notre mouvement étonne tout d’abord parce qu’il prend de plus en plus d’ampleur, non seulement en Belgique mais dans beaucoup de pays du monde. La dernière marche aux Etats-Unis rassemblait plus de 400.000 personnes, 20.000 en France, et encore deux millions dans les villes d’Argentine récemment. C’est tout un mouvement de société qui prend de l’ampleur face à une situation qui s’aggrave partout dans le monde.
La Marche pour la Vie étonne aussi parce qu’elle est jeune : né d’une initiative de jeunes, organisée depuis le début par des jeunes et réunissant à chaque fois plus de jeunes. Dans le comité organisateur, nous travaillons d’arrache pieds pour préparer la Marche, la faire connaître, développer les thématiques et son message. Il y a un dynamisme, une joie toute particulière qui traverse ces marches pour la vie, et qui ne retirent rien à la gravité de leur message : car les jeunes et même les enfants souffrent réellement de savoir qu’on euthanasie des personnes et même des enfants, qu’on tue des petits êtres humains dans le sein de leur mère. C’est une génération de survivants, nom que porte ce mouvement en plein essor en France, qui savent la chance qu’ils ont d’être passés entre les mailles de l’avortement, et qui veulent partager cette joie de vivre à tous.
Quels sont les nouveaux fronts en cours ou à venir, et qui suscitent l’inquiétude dans les rangs de vos sympathisants ?
Nous sommes inquiets du fait que, depuis 2011 en Belgique, il n’y a plus aucun chiffre, aucune donnée, sur la pratique des avortements. C’est le flou total car la Commission d’évaluation de l’IVG est en panne depuis 2013 et il semble n’y avoir aucune volonté politique de regarder ce qui se passe réellement ni de diminuer le nombre d’avortements en travaillant sur les alternatives et l’aide aux femmes enceintes. Nous sommes aussi inquiets que, dans les écoles, on n’apprenne plus aux enfants le respect de la vie qui peut résulter d’une relation sexuelle. Enfin, nous partageons l’inquiétude de nombreux médecins et soignants qui osent de plus en plus parler, blessés par l’euthanasie qui envahit les hôpitaux et s’impose, alors qu’ils se sentent appelés à soigner et à accompagner la souffrance.
Cette inquiétude n’est pas déprimante, au contraire : c’est en se confrontant à la réalité et en osant nommer les choses qu’il est possible de soigner ces blessures personnelles et sociétales. Il faut oser en parler, c’est le but de la Marche et de ses marcheurs, car la vérité peut blesser mais finit par rendre libre.
Des voix dissonantes se font entendre au sein de la commission de contrôle de l’euthanasie. Peut-on parler d’un début de prise de conscience ?
En effet, le Docteur Ludo Vanopdenbosch a démissionné de la Commission de contrôle de l’euthanasie en s’expliquant dans une lettre qui en dit long sur le travail de cette Commission : celle-ci avait refusé de renvoyer au Parquet le cas d’une euthanasie sur un patient qui n’avait formulé aucune demande en ce sens. Le non-respect de la loi par cette Commission et par les praticiens est grave, et les soignants ainsi que la presse étrangère s’inquiètent des dérives de la pratique de l’euthanasie en Belgique.
Des voix se lèvent aussi pour alerter sur le nombre grandissant d’euthanasies sur base de démence ou de symptômes psychiatriques : ce nombre a plus que quadruplé depuis 2012. Pour vous donner un exemple de dérive, certains médecins en viennent maintenant à euthanasier des personnes atteintes de dépression.
Nous espérons que cette prise de conscience aboutira à un changement de paradigme, pour que la fin de vie ne rime plus avec l’euthanasie mais avec des soins adaptés au patient. Car chaque être humain possède une dignité intrinsèque qui ne dépend pas de sa santé mentale ou physique. Chacun garde sa place en tant que tel dans la société et mérite tous les soins possibles.
La Belgique est souvent montrée du doigt pour ses transgressions éthiques. Tout est-il aussi noir qu’on le laisse entendre ? N’y-a-t-il pas des lueurs d’espoir ?
C’est vrai qu’on peut avoir l’impression de vivre dans une sorte de laboratoire de la mort et de la transgression éthique. Nous sommes le premier pays à avoir autorisé l’euthanasie des mineurs, nous autorisons la gestation pour autrui par des mères porteuses (de facto depuis une vingtaine d’années en raison d’un vide juridique). Les propositions d’élargir l’accès à l’avortement et à l’euthanasie vont dans le même sens : celui de la pente glissante, inévitable depuis que la porte de ces pratiques est ouverte sous certaines conditions. Car les verrous des conditions sautent petit à petit.
Ce qui mine le débat en Belgique, encore plus que les quelques voix soi-disant progressistes (elles sont toujours moins nombreuses qu’on ne le pense), c’est le manque de réaction de la population. Nous pouvons cultiver l’art du compromis et en être fiers dans certaines circonstances, mais quand il s’agit de questions aussi essentielles que sont ces questions de vie ou de mort, le compromis devient de l’aveuglement au mieux, du désintérêt ou de la lâcheté au pire.
Il y a de l’espoir à condition qu’il y ait du courage. Et des Belges courageux se lèvent actuellement : des médecins et des soignants témoignent en public, écrivent des livres dans lesquels ils évaluent lucidement la situation dans leurs hôpitaux, des femmes témoignent de leur avortement, des jeunes se forment pour informer, pour aider… Tout cela est récent, encore fragile. La barrière du consensus engourdissant est difficile à franchir et ce saut-là demande beaucoup de courage. Un courage qui se puise dans la confrontation à la réalité de ces pratiques mortifères, dans la transmission des valeurs au sein des familles, dans le soutien international que nous recevons de nos contemporains, et dans l’expérience qu’œuvrer pour la vie et la protection des plus faibles est cause de joie pour tous.
Marche pour la vie, dimanche 22 avril, à 15h au Mont des Arts de Bruxelles. Site : www.marchepourlavie.be
Source : https://www.famillechretienne.fr/filinfo/en-belgique-la-marche-pour-la-vie-etonne-parce-qu-elle-est-jeune-235392 où cet article a été publié sous le titre « La Marche pour la Vie, une initiative et une organisation de jeunes qui réunit toujours plus de jeunes »