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La liturgie, culte du ciel ouvert à tous

18 octobre 2012

Lors de l’audience générale du 3-10-12, le pape a rappelé quelle est la place de la liturgie dans la vie chrétienne. Nous publions de larges extraits de ce discours.

Chers frères et sœurs,

Dans la dernière catéchèse j’ai commencé à parler de l’une des sources privilégiées de la prière chrétienne : la sainte liturgie, qui — comme l’affirme le Catéchisme de l’Eglise catholique — est « participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l’Esprit Saint. En elle toute prière chrétienne trouve sa source et son terme » (n. 1073). Je voudrais aujourd’hui que nous nous demandions : dans ma vie, est-ce que je réserve une place suffisante à la prière et, surtout, quelle place a dans ma relation avec Dieu la prière liturgique, en particulier la Messe, comme participation à la prière commune du Corps du Christ qui est l’Eglise ?

En répondant à cette question, nous devons nous rappeler tout d’abord que la prière est la relation vivante des fils de Dieu avec leur Père infiniment bon, avec son Fils Jésus Christ et avec l’Esprit Saint (cf. ibid., n. 2565). La vie de prière consiste donc à être de manière habituelle en présence de Dieu et à en avoir conscience, à vivre en relation avec Dieu comme nous vivons les relations habituelles de notre vie, celles avec les membres les plus chers de notre famille, avec nos vrais amis ; c’est même cette relation avec le Seigneur qui donne la lumière à toutes nos autres relations. Cette communion de vie avec Dieu, Un et Trine, est possible car à travers le baptême nous avons tous été insérés dans le Christ, nous avons commencé à être un avec Lui (cf. Rm 6, 5).

En effet, ce n’est qu’en Christ que nous pouvons dialoguer avec Dieu le Père comme des fils, autrement cela n’est pas possible, mais en communion avec le Fils nous pouvons nous aussi dire, comme Il l’a dit : « Abbà ». En communion avec le Christ nous pouvons connaître Dieu comme Père véritable (cf. Mt 11, 27). C’est pourquoi la prière chrétienne consiste à nous tourner constamment et de manière toujours nouvelle vers le Christ, à parler avec Lui, à demeurer en silence avec Lui, à l’écouter, à agir et à souffrir avec Lui.

(…)

Ainsi, en participant à la liturgie, nous faisons nôtre la langue de la mère Eglise, nous apprenons à parler en elle et pour elle. Naturellement, comme je l’ai déjà dit, cela a lieu de manière progressive, peu à peu. Je dois me plonger progressivement dans les paroles de l’Eglise, avec ma prière, avec ma vie, avec ma souffrance, avec ma joie, avec ma pensée. C’est un chemin qui nous transforme.

(…)

Je voudrais rappeler un autre aspect important. Dans le Catéchisme de l’Eglise catholique nous lisons : « Dans la liturgie de la Nouvelle Alliance, toute action liturgique, spécialement la célébration de l’Eucharistie et des sacrements, est une rencontre entre le Christ et l’Eglise » (n. 1097) ; donc c’est le « Christ total », toute la Communauté, le Corps du Christ uni à son Chef qui célèbre. La liturgie n’est alors pas une sorte d’« auto-manifestation » d’une communauté, mais c’est en revanche une manière de sortir du simple « être-soi-même », être enfermés en soi-même, et d’accéder au grand banquet, d’entrer dans la grande communauté vivante, dans laquelle Dieu lui-même nous nourrit. La liturgie implique universalité et ce caractère universel doit entrer toujours à nouveau dans la conscience de tous. La liturgie chrétienne est le culte du temple universel qu’est le Christ ressuscité, dont les bras sont ouverts sur la croix pour attirer tous les hommes dans l’accolade d’amour éternel de Dieu. C’est le culte du ciel ouvert. Ce n’est jamais seulement l’événement d’une communauté singulière, ayant une place particulière dans le temps et dans l’espace. Il est important que tout chrétien se sente et soit réellement inséré dans ce « nous » universel, qui fournit le fondement et le refuge au « moi », dans le Corps du Christ qu’est l’Eglise.

En cela, nous devons avoir à l’esprit et accepter la logique de l’incarnation de Dieu : il s’est fait proche, présent, en entrant dans l’histoire et dans la nature humaine, en se faisant l’un de nous. Et cette présence se poursuit dans l’Eglise, son Corps. La liturgie n’est alors pas le souvenir d’événements passés, mais la présence vivante dans le Mystère pascal du Christ qui transcende et unit les temps et les espaces. Si dans la célébration n’émerge pas la place centrale du Christ, nous n’aurons pas une liturgie chrétienne, totalement dépendante du Seigneur et soutenue par sa présence créatrice. Dieu agit par l’intermédiaire du Christ et nous ne pouvons agir que par son intermédiaire et en Lui. Chaque jour doit croître en nous la conviction que la liturgie n’est pas notre « action », mon « action » mais l’action de Dieu en nous et avec nous.

Par conséquent, ce n’est pas l’individu — prêtre ou fidèle — ou le groupe qui célèbre la liturgie, mais elle est avant tout action de Dieu à travers l’Eglise, qui a son histoire, sa riche tradition et sa créativité. Cette universalité et ouverture fondamentale, qui est propre à toute la liturgie, est l’une des raisons pour laquelle elle ne peut pas être conçue ou modifiée par une communauté singulière ou par des experts, mais elle doit être fidèle aux formes de l’Eglise universelle.

L’Eglise tout entière est toujours présente même dans la liturgie de la communauté la plus petite. C’est pourquoi il n’y a pas d’« étrangers » dans la communauté liturgique. L’Eglise tout entière, le ciel et la terre, Dieu et les hommes participent ensemble à chaque célébration liturgique. La liturgie chrétienne, même si elle est célébrée dans un lieu et un espace concret, et exprime le « oui » d’une communauté déterminée, est par sa nature catholique, provient du tout et conduit au tout, en unité avec le Pape, avec les évêques, avec les croyants de toutes les époques et de tous les lieux. Plus une célébration est animée par cette conscience, plus se réalise en elle de façon fructueuse le sens authentique de la liturgie.

Chers amis, l’Eglise est visible de nombreuses façons : dans l’action caritative, dans les projets de mission, dans l’apostolat personnel que chaque chrétien doit réaliser dans son milieu. Mais le lieu où l’on en fait pleinement l’expérience en tant qu’Eglise est dans la liturgie : elle est l’acte par lequel nous croyons que Dieu entre dans notre réalité et nous pouvons le rencontrer, nous pouvons le toucher. C’est l’acte par lequel nous entrons en contact avec Dieu : Il vient à nous, et nous sommes illuminés par Lui. C’est pourquoi, lorsque dans les réflexions sur la liturgie, nous concentrons notre attention uniquement sur la façon de la rendre attrayante, intéressante et belle, nous risquons d’oublier l’essentiel : la liturgie se célèbre pour Dieu et non pour nous-mêmes ; c’est son œuvre ; c’est Lui le sujet ; et nous devons nous ouvrir à Lui et nous laisser guider par Lui et par son Corps qui est l’Eglise.

Demandons au Seigneur de nous enseigner chaque jour à vivre la sainte liturgie, en particulier la Célébration eucharistique, en priant dans le « nous » de l’Eglise, qui porte son regard non pas sur elle-même, mais sur Dieu et en sentant que nous sommes une partie de l’Eglise vivante de tous les lieux et de tous les temps. Merci.

Source: http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/audiences/2012/documents/hf_ben-xvi_aud_20121003_fr.html