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Faut-il refuser le diagnostic prénatal ?

8 août 2011

 

Aujourd’hui, dans nos contrées, toutes les femmes enceintes sont invitées à réaliser certains tests de diagnostic prénatal.

 

 

Cet article les éclaire sur le principe-même de ce diagnostic et sur sa signification morale. Dans une note finale, nous évoquons les enjeux moraux des modalités pratiques du diagnostic prénatal.

En matière de médecine fœtale, il existe un point où le discernement moral requis par les couples qui attendent un enfant est singulièrement délicat à opérer : la légitimité de recourir ou non au diagnostic prénatal (DPN) dans le but de connaître l’état de santé de leur bébé. On entend ainsi souvent des objections de la sorte : en cas de mauvais résultat, le DPN ne débouche-t-il pas massivement sur l’élimination de l’enfant à naître ? Si nous sommes vraiment respectueux de la dignité de l’enfant à naître, ne devons-nous donc pas en condamner le principe ? Les parents désireux de ne rien faire qui puisse nuire à leur bébé doivent-ils refuser d’y recourir ?

Pour de nombreuses personnes attachées au respect de la vie de l’enfant à naître, il est indéniable que le DPN a très mauvaise presse, du fait du lien quasi absolu qui existe entre, d’une part, les techniques de dépistage et diagnostic anténatals proprement dites (échographie fœtale, marqueurs sériques maternels, amniocentèse,…) et d’autre part, l’interruption médicale de grossesse (IMG) qui s’ensuit en cas de mauvais résultat. La séquence est si impérative que l’ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le professeur Didier Sicard, n’a pas hésité à conclure que « la vérité centrale (…) de l’activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non pas au traitement : ainsi ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l’éradication » (dans Jean-Yves Nau, « La France au risque de l’eugénisme », Le Monde, 5 février 2007).

Faut-il alors refuser en bloc l’ensemble de ces techniques sous prétexte qu’elles représentent le moteur principal de l’eugénisme actuel ? Le magistère de l’Eglise catholique nous offre un précieux éclairage pour tenter de répondre à cette question.

Le discernement du magistère catholique

L’Instruction Donum vitae signée par le cardinal Joseph Ratzinger et approuvée par Jean-Paul II en 1987 nous met fermement en garde : « Le diagnostic prénatal est gravement en opposition avec la loi morale quand il prévoit, en fonction des résultats, l’éventualité de provoquer un avortement : un diagnostic attestant l’existence d’une malformation ou d’une maladie héréditaire ne doit pas être l’équivalent d’une sentence de mort. Aussi, la femme qui demanderait ce diagnostic avec l’intention bien arrêtée de procéder à l’avortement au cas où le résultat confirmerait l’existence d’une malformation ou d’une anomalie, commettrait-elle une action gravement illicite. De même agiraient contrairement à la morale le conjoint, les parents ou toute autre personne, s’ils conseillaient ou imposaient le diagnostic à la femme enceinte dans la même intention d’en venir éventuellement à l’avortement. Ainsi également serait responsable d’une collaboration illicite le spécialiste qui, dans sa manière de poser le diagnostic et d’en communiquer les résultats, contribuerait volontairement à établir ou à favoriser le lien entre diagnostic prénatal et avortement » (Donum vitae, I, 2).

Jean-Paul II a confirmé l’analyse de l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi dans sa célèbre encyclique Evangelium vitae : « Du fait que les possibilités de soins avant la naissance sont aujourd’hui réduites, il arrive fréquemment que ces techniques soient mises au service d’une mentalité eugénique, qui accepte l’avortement sélectif pour empêcher la naissance d’enfants affectés de différents types d’anomalies. Une pareille mentalité est ignominieuse et toujours répréhensible, parce qu’elle prétend mesurer la valeur d’une vie humaine seulement selon des paramètres de normalité et de bien-être physique » (n. 63).

De ces textes nous pouvons conclure avec certitude que la femme (ou le couple) qui se servirait des examens anténatals, quels qu’ils soient, dans l’intention de recourir à un avortement si une anomalie était décelée chez le bébé, commettrait un acte répréhensible sur le plan moral. La réflexion éthique englobe également ceux qui sont susceptibles de s’associer à cette décision. Se pose ici la problématique de la coopération du professionnel de la grossesse à une action mauvaise, une question complexe que nous n’aborderons pas dans cet article.

Pour autant, il ne fait aucun doute que le DPN est en soi une noble composante de l’art médical qui s’applique à l’enfant à naître en tant que patient. Et qu’il est légitime que le père et la mère du bébé souhaitent s’enquérir de son état de santé comme ils le feraient pour n’importe quel enfant déjà né. C’est pourquoi l’instruction Donum vitae prend soin de préciser que « le diagnostic prénatal peut faire connaître les conditions de l’embryon et du fœtus quand il est encore dans le sein de sa mère : il permet ou laisse prévoir certaines interventions thérapeutiques, médicales ou chirurgicales, d’une manière plus précoce et plus efficace ». Le DPN est donc parfaitement justifié s’il est pratiqué dans le respect de « la vie et de l’intégrité de l’embryon et du fœtus humain, et s’il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison individuelle » (ibid.). C’est exactement ce que conclut Jean-Paul II dans Evangelium vitae : « Les techniques de diagnostic prénatal sont moralement licites (…) lorsqu’elles sont ordonnées à rendre possible une thérapie précoce ou encore à favoriser une acceptation sereine et consciente de l’enfant à naître » (n. 63).

Donnons un exemple. Diagnostiquer par échographie une malformation cardiaque et utiliser cette information en vue d’une prise en charge chirurgicale adaptée le plus tôt possible après la naissance, voire in utero comme cela se fait déjà dans le monde, représente évidemment un progrès médical de premier plan que l’éthique ne peut qu’approuver. Et d’une manière générale, connaître l’éventuelle pathologie affectant un enfant à naître, même si l’on ne dispose pas encore de traitement susceptible de le guérir, peut constituer pour les parents une façon de bien se préparer à l’accueillir. N’est-ce pas grâce à la connaissance fournie par le DPN que de nombreux enfants polyhandicapés ont pu être baptisés et confirmés immédiatement après l’accouchement avant de mourir quelques heures plus tard entourés par leur famille ?

Tout dépend dans ce cas précis de l’intention morale sous-jacente

De cette rapide confrontation avec deux textes importants de l’Eglise, on peut donc conclure que le DPN n’est pas en soi mauvais mais change radicalement de nature en fonction de l’intention sous-jacente de la femme enceinte ou du couple. Il devient une pratique immorale lorsqu’il est effectué dans le but de programmer une interruption de grossesse lorsque l’enfant est handicapé ou malade.

Un couple catholique qui n’a aucune intention de recourir à un avortement n’a donc pas de raison de refuser a priori le principe même du DPN. Ainsi deux actes de DPN, physiquement identiques, extérieurement impossibles à distinguer chez deux couples, peuvent être revêtus d’espèces morales tout à fait différentes. Ici, la qualification morale de l’intention affecte l’acte qui en lui-même n’est ni bon ni mauvais. Comme on dit en langage thomiste, une espèce matérielle peut être chargée d’espèces morales différentes. Il faut descendre en quelque sorte à l’intérieur de la volonté profonde du sujet agissant pour se faire une idée de ce qui est en jeu.

En matière de DPN, l’aspect moral est l’acte vu de l’intérieur du sujet, le geste technique étant objectivement indifférent pour un observateur extérieur. Ce qui est en soi intrinsèquement mauvais, l’avortement, ne doit pas entrer dans l’intention de l’agent. Avoir l’intention de recourir à une interruption de grossesse en cas de mauvais résultat suffit ainsi à vicier l’acte du DPN. Autrement dit, rien de ce que l’on fait n’est bon lorsque c’est pour le mal qu’on le fait.

Note de la rédaction

Dans un second article, consacré au même sujet, Pierre-Olivier Arduin étudie le cas pratique du DPN de la trisomie 21 (ou syndrome de Down, appelé parfois « mongolisme ») en France. Il y précise que la réalisation des tests courants de DPN que sont l’échographie et une analyse de sang ne présentent aucun danger pour la mère et pour l’enfant.

Par contre, en cas de suspicion d’anomalie, on pousse les investigations plus loin et on propose une amniocentèse (ponction du liquide amniotique) ou la biopsie du trophoblaste (prélèvement des villosités choriales du futur placenta).

Ces deux derniers examens présentent, eux, un grand risque pour la viabilité du fœtus. L’amniocentèse est aussi couramment utilisée en Belgique. Or, selon la Haute autorité de santé française, le risque de perte fœtale induite par cet examen est compris dans une fourchette de 0,5 à 1 %. Pour la biopsie du trophoblaste, le risque est identique, voire doublé.

Du point de vue moral, ce risque est disproportionné par rapport au bénéfice escompté. On ne peut exposer le fœtus à un tel danger : « On doit considérer comme licites les interventions sur l’embryon humain, à condition qu’elles respectent sa vie et qu’elles ne comportent pas pour lui de risques disproportionnés » (Donum vitae, I, 3). Il est donc recommandé de refuser ce type d’examens.

Pierre-Olivier Arduin est marié et père de six enfants. Titulaire d’un master de recherche Éthique, science, santé et société, il est responsable de la Commission bioéthique et vie humaine du diocèse de Fréjus-Toulon. Cet article a été publié sur www.libertepolitique.com. Sources : http://www.libertepolitique.com/respect-de-la-vie/6886-parents-faut-il-refuser-le-diagnostic-prenatal-12 et http://www.libertepolitique.com/respect-de-la-vie/6894-parents-faut-il-refuser-le-diagnostic-prenatal-22. Nous remercions Dominique Bastin de nous avoir signalé ce texte.