Nous publions ici la deuxième partie des réflexions issues de l’expérience pratique d’un père de famille. Dans ce texte, l’auteur étudie encore quelques aspects de l’amour conjugal.
3. L’amour entre les parents, condition de l’éducation des enfants
Deux citations illustrent cette vérité fondamentale. La première : « Une condition indispensable pour que la famille devienne le cadre formatif du caractère des enfants est l’amour ferme des parents (…). En marge de cet amour, il y a des recommandations, des techniques, des formules, des procédés et des recettes positives pour atteindre l’objectif de formation des enfants ; mais toutes les recommandations ne sont qu’une goutte dans l’océan de l’amour familial et elles ne serviraient à rien en-dehors de cet océan » (C. Llano).
La seconde : « Quand on met un enfant au monde, on contracte l’obligation de s’efforcer de le rendre heureux. Pour y arriver (…), il y a d’abord le devoir de rendre le conjoint heureux, malgré tous ses défauts. Pour être heureux, les enfants doivent voir leurs parents heureux. L’enfant n’est pas heureux quand on le comble de caresses et de cadeaux, mais seulement quand il peut participer de l’amour heureux de ses parents. Si la mère se dispute avec le père, même si elle couvre ensuite l’enfant de câlins, celui-ci éprouvera une blessure profonde : ce qu’il veut, c’est participer à la famille, à l’amour qui unit ses parents. Engendrer un enfant équivaut à s’engager à rendre le conjoint heureux » (U. Borghello).
4. L’engagement psychologique : « brûler ses vaisseaux »
On raconte d’Hernán Cortés que, dans la conquête du Mexique, au 16ème siècle, il fit brûler ses vaisseaux par l’équipage, afin d’exclure tout retour en arrière. Dans le mariage aussi, l’engagement doit être irréversible.
Le conjoint qui ne s’engage pas totalement dans le mariage, par peur d’être déçu, provoque précisément ce qu’il craint et ce qu’il veut éviter. Sans l’engagement de don total, son attention est plus attirée par les défauts que par les vertus. Il a tendance à comparer, ce qui provoque la déception.
Par ailleurs, il oublie que, d’une certaine manière, la « déception » fait partie de la nature de l’amour. Les déceptions surgissent toujours dans l’amour, mais elles sont des occasions de fortifier l’amour. Car seul l’amour est capable de voir plus loin et de découvrir dans la personne aimée non seulement ce qu’elle est, mais aussi ce qu’elle peut devenir si on ne lui enlève pas la confiance. Dans la vie conjugale, on connaît parfois des désillusions, car chacun des conjoints ne se comporte pas toujours selon les attentes de l’autre. Mais cela ne doit pas constituer un frein. Ce peut être un stimulant pour aimer de façon plus désintéressée.
Il a été dit que « la porte du bonheur ne s’ouvre pas vers l’intérieur » : qui s’acharne à penser à soi-même ne parvient qu’à bloquer définitivement cette porte. « La porte du bonheur s’ouvre vers l’extérieur », vers les autres. On va au mariage pour rendre le conjoint heureux, et c’est ainsi qu’on découvre le propre bonheur. Aimer suppose le sacrifice… un sacrifice « bien rémunéré ».
5. Actualisation de l’engagement
Tous les soirs, il faudrait pouvoir répondre affirmativement à ces deux questions : ai-je su manifester mon affection à mon conjoint ? L’a-t-il (elle) remarquée ?
Dans la vie de famille, il faut mettre en jeu toutes les énergies. Une négligence peut être perçue comme un manque d’amour ou de loyauté : « si elle ne se rappelle pas de m’appeler, c’est qu’elle ne m’aime pas », « s’il n’accroche pas le cadre au mur, c’est que je lui suis indifférente », etc. Les jugements qu’on porte sur des tierces personnes sont habituellement plus modérés, mais, vis-à-vis du conjoint, on est très exigeant.
L’amour conjugal est « totalisant », il « embrasse » toute la réalité, dans le sens où l’on aime en étant présent ou absent, en parlant ou en se taisant, en paroles et en gestes, en se promenant, en montant dans l’ascenseur, en allant chez le médecin, en prenant un café et en réalisant les tâches les plus anodines : en tout.
Il faut savoir que les comportements négatifs ont une incidence plus importante et provoquent des réactions plus rapides que les comportements positifs. Ceux-ci agissent de façon plus discrète et provoquent des réactions qui s’étalent davantage dans le moyen et le long terme, mais ils ont un impact plus profond. Les premiers, par contre, peuvent ne laisser aucune trace si l’on sait rectifier rapidement, et demander pardon, si nécessaire. Céder face à l’autre ne doit pas être vu comme un renoncement, mais comme une conquête.
Javier Vidal-Quadras Trias de Bes est marié et père de sept enfants. Il est avocat et a été professeur de droit. Il donne des cours d’orientation familiale et est secrétaire général de l’International Federation for Family Development, qui possède un statut consultatif à l’ONU. Ce texte est une traduction, légèrement adaptée, réalisée par l’abbé Stéphane Seminckx, de Algunas experiencias prácticas y consideraciones básicas de un padre de familia sobre la vida conyugal y familiar (Quelques expériences pratiques et considérations fondamentales d’un père de famille sur la vie conjugale et familiale), publié sur www.collationes.org.