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Puisque vous avez décidé de vous aimer…

29 janvier 2025

Une recension du livre du Père François Potez, « Puisque vous avez décidé de vous aimer… Conseils pour les premières années de mariage », Mame, Paris 2024.

Dans les exhortations apostoliques Familiaris Consortio (1981) et Amoris Laetitia (2016), saint Jean-Paul II et le pape François rappellent l’importance de l’accompagnement des jeunes époux, car « les premières années de mariage sont une période vitale et délicate durant laquelle les couples prennent davantage conscience des défis et de la signification du mariage » (Amoris Laetitia, n. 223). Le Père Potez s’inscrit dans cette ligne : « (…) les premières années de mariage ne sont pas les plus faciles, et les pièges sont nombreux. C’est comme pour les petits enfants : c’est plein de promesses, tout est malléable et fragile encore. Il faut sans cesse vérifier les fondations, corriger le tir sur tel ou tel aspect de la vie de couple ou de la vie familiale… » (pp. 6-7)

Le livre est agréable à lire (en 2023, l’auteur a reçu un prix de littérature religieuse pour un autre livre, sur le sacerdoce). Il se présente sous la forme d’une lettre à des jeunes mariés imaginaires, avec l’intervention ci et là d’autres protagonistes, sous forme de témoignages. Le Père Potez parvient à trouver ce subtil équilibre entre un style direct et simple, d’une part, et une approche profonde et concrète, d’autre part, qui aborde tous les sujets — même les plus sensibles, comme la sexualité — avec le ton qui convient.

L’auteur a une grande expérience d’accompagnement des fiancés et des personnes mariées. Ses conseils sont remplis de bon sens et de sagesse, profondément humains et très surnaturels — ce qui n’est pas contradictoire mais nécessaire, car la grâce présuppose la nature —, enracinés dans l’espérance théologale — une grande confiance dans le pouvoir de la grâce du sacrement de mariage. A aucun moment, il ne juge ou ne condamne, mais il comprend et encourage à viser plus haut, avec l’aide de Dieu.

Le titre du livre signale d’emblée un point essentiel : le mariage ne repose pas sur le sentiment mais sur un acte de liberté authentique, sur l’engagement, la volonté, la décision d’aimer, décision qui, bien entendu, se forge dans un processus de discernement, un travail de la raison où le cœur intervient.

Dans un premier chapitre, l’auteur décrit le projet originel de Dieu sur l’homme et la femme. Il offre un beau résumé, en quelques pages, de la théologie du corps de saint Jean-Paul II, qui l’amène à faire ce raccourci saisissant : là où le péché originel a divisé nos premiers parents, la grâce du sacrement de mariage unit les époux sur le chemin de la sainteté, qu’ils parcourent l’un avec l’autre, l’un par l’autre, l’un grâce à l’autre, dans la gratitude mutuelle.

Il analyse ensuite l’amour conjugal et les défis qu’il pose à l’homme et à la femme, en accordant une place particulière à l’amitié entre les époux, car, l’amour conjugal, loin de prétendre supplanter l’amitié, l’intègre et y puise sa force. L’amitié « est à l’amour ce que l’armature est au béton armé ». « L’armature, la structure de l’amour conjugal, son enracinement, c’est l’amitié. » (p. 48)

Dans le chapitre 3, le Père Potez aborde le thème délicat de la sexualité, à partir de l’expérience que beaucoup de couples lui ont confiée. Il le fait avec pudeur et délicatesse, tout en évitant de rester dans des considérations abstraites. Son analyse de la définition du désir, de son rôle et de sa maîtrise au service de l’amour, est particulièrement intéressante. Au désir sexuel, il applique la formule qui, bien comprise, est éclairante : « Jamais refoulé, jamais défoulé » (p. 74).

L’auteur aborde ensuite le changement radical que suppose l’arrivée des enfants. Il fournit une explication limpide de la doctrine de l’Eglise sur la paternité responsable, depuis une perspective à la fois surnaturelle et très réaliste, qui tient compte des conditionnements de la vie moderne. Il rappelle que l’arrivée des enfants ne peut appauvrir la communion conjugale, bien au contraire. Le problème classique des belles-familles est aussi abordé.

Le chapitre le plus long est le cinquième : « Le couple à l’épreuve de la durée ». Il intéresse toutes les personnes mariées. Ces pages sont ponctuées de nombreux conseils et observations pratiques, dont voici quelques exemples :

  • Entre époux « jamais de concessions. Jamais ! » (p. 126) Au lieu de concéder, il faut faire un acte d’amour : « Les concessions nous aplatissent et finissent par nous écrabouiller, tandis que les actes d’amour nous font grandir, en nous obligeant à nous dépasser sans cesse. » (pp. 126-127)
  • « Durant les quatre premières années de votre mariage, (…) ne prenez aucun engagement de responsabilité, dans aucune association, ni à l’Eglise ni autre part » car « votre devoir de charité est de construire votre ménage. » (p. 129). Il s’agit de préserver du temps, mais il précisera plus loin que cela ne suppose pas d’être inactif. Et cela n’empêche évidemment pas de s’engager plus avant face à Dieu, bien au contraire.
  • « Tous ceux dont j’ai béni le mariage le savent : “Si vous ne faites pas un voyage de noces annuel, la garantie saute !ˮ Pour moi, c’est absolument crucial, pour entretenir la fidélité et faire grandir l’amour mutuel, d’organiser chaque année quelques jours de voyage de noces, tous les deux tout seuls. » (p. 139) Il s’agit par exemple d’un week-end prolongé à deux, qui ne doit pas avoir lieu au bout du monde. S’il y a des enfants, cela signifie bien entendu qu’on doit pouvoir les confier aux proches ou à des amis le temps du séjour.
  • « Attention de ne pas confondre excuse et pardon. Avec l’excuse, on laisse tomber, mais finalement l’offense demeure et les choses s’accumulent, sans qu’on en ait conscience. Et puis, un beau jour, ça déborde ! Avec le pardon, au contraire, on se grandit. Mon amour grandit, parce qu’il me conduit plus haut ; et le tien, toi à qui j’ai pardonné, grandit aussi, parce que tu as reçu un amour plus grand que ta faute. » (p. 153)

L’auteur aborde ensuite les épreuves dans la vie du couple, avec de très belles réflexions sur la place de la croix dans le mariage : « J’ai découvert peu à peu qu’il ne pouvait y avoir de chemin de vie qu’à travers le chemin de la croix » car la souffrance, quand elle est inévitable, est « une occasion d’offrande, l’occasion d’un plus grand amour » (pp. 162-163).

Enfin le dernier chapitre traite de la vie spirituelle des époux — la vie de prière et les sacrements —, et de la nécessité de ne pas rester seuls, d’avoir un accompagnateur spirituel, de pouvoir s’appuyer sur d’autres couples, sur la paroisse ou une autre communauté vivante.

En conclusion : un livre qui fera beaucoup de bien !

François Potez est né en 1955. Il est diplômé de l’Ecole navale. Il a été ordonné prêtre en 1989 et est actuellement curé de la paroisse de Saint-Philippe-du-Roule, à Paris. Il intervient dans l’excellent documentaire Une seule chair. Stéphane Seminckx est prêtre, docteur en médecine et en théologie.