Le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi revient sur la question de l’ordination des femmes dans l’Eglise catholique (dans un article publié par l’Osservatore Romano du 29 mai 2018).
« Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi » (Jn 15, 4). Si l’Église peut offrir la vie et le salut au monde entier, c’est grâce à son enracinement en Jésus-Christ, son fondateur. Cet enracinement s’opère principalement à travers les sacrements, dont l’Eucharistie est le centre. Institués par le Christ, les sacrements sont les piliers fondateurs de l’Église qui la génèrent continuellement comme son Corps et son épouse. Le sacrement de l’Ordre, par lequel le Christ se rend présent à l’Église comme source de sa vie et de son œuvre, se trouve intimement lié à l’Eucharistie. Les prêtres sont configurés « au Christ Prêtre, de manière à être capables d’agir au nom du Christ Tête en personne » (Presbyterorum ordinis, n.°2).
Le Christ a voulu conférer ce sacrement aux douze apôtres, qui étaient tous des hommes, et ceux-ci, à leur tour, l’ont transmis à d’autres hommes. L’Église s’est toujours vue liée par cette décision du Seigneur, qui exclut que le sacerdoce ministériel puisse être validement conféré aux femmes. Dans sa Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994, Jean Paul II a enseigné « afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église » et « en vertu de [sa] mission de confirmer [ses] frères » (cf. Lc 22, 32), « que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église » (n. 4). En réponse à un doute sur l’enseignement d’Ordinatio sacerdotalis, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a réaffirmé qu’il s’agit d’une vérité appartenant au dépôt de la foi.
À cette lumière, il demeure très préoccupant de voir encore surgir, dans certains pays, des voix qui remettent en question le caractère définitif de cette doctrine. Pour soutenir qu’elle n’est pas définitive, on fait valoir qu’elle n’a pas été définie ex cathedra et que la décision ultérieure d’un futur Pape ou d’un Concile pourrait l’annuler par la suite. En semant ces doutes, on crée une grave confusion parmi les fidèles, non seulement sur le sacrement de l’ordre comme partie de la constitution divine de l’Église, mais aussi sur le Magistère ordinaire qui peut enseigner la doctrine catholique de manière infaillible.
En premier lieu, pour ce qui concerne le sacerdoce ministériel, l’Église reconnaît que l’impossibilité d’ordonner des femmes appartient à la « substance du sacrement » de l’Ordre (cf. DH 1728). L’Église n’a pas la capacité de changer cette substance, car c’est précisément à partir des sacrements, institués par le Christ, qu’elle est générée en tant qu’Église. Il ne s’agit pas d’une simple question disciplinaire, mais d’une question doctrinale, puisqu’elle touche la structure des sacrements, qui sont le lieu originaire de la rencontre avec le Christ et de la transmission de la foi. Par conséquent, nous ne sommes pas en face d’une limite qui empêcherait l’Église d’être plus efficace pour agir dans le monde. En effet, si l’Église ne peut intervenir, c’est parce que l’amour originel de Dieu est ici à l’œuvre. C’est Lui qui opère dans l’ordination des prêtres, de sorte que l’Église puisse toujours jouir, à chaque époque, de la présence visible et efficace de Jésus-Christ « source principale de la grâce » (Pape François, Evangelii gaudium, n. 104).
Consciente que son obéissance au Seigneur l’empêche de changer cette tradition, l’Église s’efforce aussi d’approfondir son identité, car la volonté de Jésus-Christ, qui est le Logos, n’est jamais vide de sens. En effet, le prêtre agit en la personne du Christ, époux de l’Église, et son être d’homme est un élément indispensable de cette représentation sacramentelle (cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Inter Insigniores, n. 5). Il est certain que la différence des fonctions de l’homme et de la femme ne comporte en soi aucune subordination, mais constitue plutôt un enrichissement mutuel. Il est à rappeler que la figure accomplie de l’Église est Marie, la Mère du Seigneur, laquelle n’a pas reçu de ministère apostolique. Ainsi, le masculin et le féminin, langage originaire que le Créateur a inscrit dans le corps humain, sont assumés dans l’œuvre de notre rédemption. La fidélité à ce dessein du Christ à propos du sacerdoce ministériel permet justement d’approfondir et de promouvoir toujours mieux le rôle spécifique des femmes dans l’Église, car « dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme » (1 Co 11, 11). En outre, on peut projeter ainsi une lumière sur notre culture, qui peine à comprendre la signification et la bonté de la différence entre l’homme et la femme, ce qui affecte également leur mission complémentaire dans la société.
En second lieu, les doutes sur le caractère définitif d’Ordinatio sacerdotalis ont également de graves conséquences sur la façon de comprendre le Magistère de l’Église. Il est important de rappeler que l’infaillibilité ne concerne pas seulement les déclarations solennelles d’un Concile ou du Souverain Pontife lorsqu’il parle ex cathedra, mais aussi l’enseignement ordinaire et universel des évêques du monde entier, lorsqu’ils proposent, en communion les uns avec les autres et avec le Pape, la doctrine catholique à tenir pour définitive. Dans Ordinatio sacerdotalis, Jean Paul II se référait à cette infaillibilité. Il n’a donc pas déclaré un nouveau dogme, mais, de par l’autorité reçue comme Successeur de Pierre, il a confirmé de manière formelle et explicite, afin de dissiper tout doute, ce que le Magistère ordinaire et universel a considéré tout au long de l’histoire de l’Église comme appartenant au dépôt de la foi. Cette forme de décision reflète précisément un style de communion ecclésiale, puisque le Pape n’a pas voulu agir seul, mais comme un témoin à l’écoute d’une tradition ininterrompue et vécue. D’autre part, personne ne niera au Magistère le droit de s’exprimer de manière infaillible sur des vérités qui sont nécessairement liées au donné formellement révélé, car c’est seulement de cette manière qu’il peut exercer sa fonction de protéger saintement le dépôt de la foi et l’exposer fidèlement.
Une preuve ultérieure de l’engagement dont a fait montre Jean-Paul II en examinant la question est la consultation préalable qu’il a voulu faire à Rome avec les Présidents des Conférences épiscopales qui se sont sérieusement penchés sur cette question. Tous sans exception ont déclaré avec une pleine conviction, que l’Église, à cause de son obéissance au Seigneur, ne dispose pas de la faculté de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes.
À propos de cet enseignement, Benoît XVI a rappelé avec insistance, lors de la messe chrismale du 5 avril 2012, que Jean Paul II « a déclaré de manière irrévocable » qu’au sujet de l’ordination des femmes, l’Église « n’a reçu aucune autorisation de la part du Seigneur ». Benoît XVI s’est ensuite interrogé en ces termes, à propos du refus de cette doctrine par certains : « Mais la désobéissance est-elle vraiment un chemin ? Peut-on percevoir en cela quelque chose de la configuration au Christ, qui est la condition nécessaire de tout vrai renouvellement, ou non pas plutôt seulement l’élan désespéré pour faire quelque chose, pour transformer l’Église selon nos désirs et nos idées ? ».
Le pape François est revenu sur le même argument dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium ; il a réaffirmé que la question du « sacerdoce réservé aux hommes, comme signe du Christ Époux qui se livre dans l’Eucharistie » ne se discute pas, et il a exhorté à ne pas interpréter cette doctrine en termes de pouvoir, mais de service, afin que soit mieux perçue l’égale dignité des hommes et des femmes dans l’unique Corps du Christ (cf. n. 104). Lors de sa conférence de presse durant le vol de retour du voyage apostolique en Suède, le 1er novembre 2016, le pape François a confirmé cette position: « Sur l’ordination de femmes dans l’Église catholique, le dernier mot, clair, a été dit par saint Jean Paul II, et cela demeure ainsi ».
En ce temps où l’Église est appelée à répondre à de nombreux défis de notre culture, il est essentiel qu’elle demeure en Jésus, comme les sarments sur la vigne. C’est pourquoi le Maître nous invite à faire en sorte que ses paroles demeurent en nous : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour » (Jn 15, 10). Seule la fidélité à ses paroles, qui ne passeront pas, assure notre enracinement dans le Christ et dans son amour. Seul l’accueil de son dessein de sagesse, qui prend corps dans les sacrements, revigore les racines de l’Église, afin qu’elle puisse porter des fruits pour la vie éternelle.