Le pape François suspend le projet de document des évêques allemands sur l’intercommunion. Dans un article (1) que nous avions publié précédemment, le cardinal Chaput relevait déjà les nombreuses difficultés soulevées par l’idée de certains évêques de donner accès à l’Eucharistie aux conjoints protestants de fidèles catholiques, à certaines conditions. Nous reproduisons ici la lettre du préfet de la Congrégation pour la Doctrine de Foi envoyée au président de la Conférence épiscopale allemande, avec l’accord explicite du pape.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Le 25 mai 2018
À son Éminence révérendissime
Monsieur le Cardinal Reinhard Marx
Archevêque de Munich et de Freising
Président de la Conférence Épiscopale Allemande
Éminence et cher Président,
Au terme de notre entretien fraternel du 3 mai 2018 sur le document « Mit Christus gehen… » [« Cheminer avec le Christ. Sur le chemin de l’unité. Mariages interconfessionnels et participation commune à l’Eucharistie. Un guide pastoral de la Conférence épiscopale allemande »] nous avions convenu ensemble que j’aurais informé le Saint-Père de notre rencontre.
Au cours de l’audience du 18 mai 2018, j’avais déjà parlé avec le Pape François de notre rencontre et je lui avais remis une synthèse de l’entretien. Le 24 mai 2018, j’ai à nouveau discuté de cette question avec le Saint-Père. A la suite de ces rencontres, je voudrais porter les points suivants à votre connaissance, avec l’accord explicite du Pape.
1. Les nombreux efforts œcuméniques de la Conférence épiscopale allemande et en particulier l’intense collaboration avec le conseil de l’Église évangélique d’Allemagne méritent d’être reconnus et appréciés. La commémoration commune de la Réforme de 2018 a montré qu’au cours des années et décennies, on a trouvé une base susceptible de témoigner ensemble de Jésus Christ, le sauveur de tous les hommes, et de travailler ensemble de façon constructive et décisive dans de nombreux domaines de la vie publique. Tout cela nous encourage à aller de l’avant avec confiance sur le chemin d’une unité toujours plus profonde.
2. Notre entretien du 3 mai 2018 a montré que le texte du guide soulève une série de problèmes de grande importance. Le Saint-Père est donc parvenu à la conclusion que ce document n’est pas mûr pour être publié. Les raisons essentielles de cette décision peuvent être résumées comme suit :
a. La question de l’admission à la communion de chrétiens évangéliques dans des mariages interconfessionnels est un thème qui touche à la foi de l’Église et qui concerne l’Église universelle.
b. Une telle question a des impacts sur les rapports œcuméniques avec d’autres Églises et d’autres communautés ecclésiales qu’il convient de ne pas sous-estimer.
c. Cette thématique concerne le droit de l’Église, principalement l’interprétation du canon 844 CIC (2). Étant donné que dans certains secteurs de l’Église, il y a des questions ouvertes sur ce sujet, les dicastères compétents du Saint-Siège ont déjà été chargés de fournir une clarification convenable sur ces questions au niveau de l’Église universelle. Il semble en particulier opportun de laisser l’évêque diocésain juger de l’existence d’une « grave nécessité ».
3. Il est très important pour le Saint-Père que l’esprit de collégialité épiscopale reste vivant au sein de la Conférence épiscopale allemande. Comme le Concile Vatican II l’a souligné, « les Conférences épiscopales peuvent, aujourd’hui, contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement. » (Constitution dogmatique « Lumen gentium », n°23).
Ayant porté cela à votre connaissance, je vous adresse mes salutations fraternelles et mes meilleurs vœux de bénédiction.
Vôtre dans le Seigneur,
Luis F. Ladaria, S.I.
Évêque titulaire de Thibica
Préfet
(1) Ce qui se passe en Allemagne
(2) (cette note est un ajout de la rédaction de didoc)
Can. 844 – § 1. Les ministres catholiques administrent licitement les sacrements aux seuls fidèles catholiques qui, de même, les reçoivent licitement des seuls ministres catholiques, restant sauves les dispositions des §§ 2, 3, et 4 du présent canon et du Can. 861 § 2.
§ 2. Chaque fois que la nécessité l’exige ou qu’une vraie utilité spirituelle s’en fait sentir, et à condition d’éviter tout danger d’erreur ou d’indifférentisme, il est permis aux fidèles qui se trouvent dans l’impossibilité physique ou morale d’avoir recours à un ministre catholique, de recevoir les sacrements de pénitence, d’Eucharistie et d’onction des malades de ministres non catholiques, dans l’Église desquels ces sacrements sont valides.
§ 3. Les ministres catholiques administrent licitement les sacrements de pénitence, d’Eucharistie et d’onction des malades aux membres des Églises orientales qui n’ont pas la pleine communion avec l’Église catholique, s’ils le demandent de leur plein gré et s’ils sont dûment disposés ; ceci vaut aussi bien pour les membres d’autres Églises qui, au jugement du Siège Apostolique, se trouvent pour ce qui concerne les sacrements dans la même condition que les Églises orientales susdites.
§ 4. En cas de danger de mort ou si, au jugement de l’Évêque diocésain ou de la conférence des Évêques, une autre grave nécessité se fait pressante, les ministres catholiques peuvent administrer licitement ces mêmes sacrements aussi aux autres chrétiens qui n’ont pas la pleine communion avec l’Église catholique, lorsqu’ils ne peuvent pas avoir recours à un ministre de leur communauté et qu’ils le demandent de leur plein gré, pourvu qu’ils manifestent la foi catholique sur ces sacrements et qu’ils soient dûment disposés.
§ 5. Dans les cas dont il s’agit aux §§ 2, 3 et 4, l’Évêque diocésain ou la conférence des Évêques ne porteront pas de règles générales sans avoir consulté l’autorité compétente, au moins locale, de l’Église ou de la communauté non catholique concernée.