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Un nom pour les enfants décédés durant la grossesse

14 mai 2017

 

Pourquoi s’opposer à l’attribution d’un nom à l’état civil des enfants décédés durant la grossesse ? Ce dogmatisme est déplacé face aux familles en deuil et aux pères en attente de reconnaissance.

 

Récemment, dans la presse, quelques élus socialistes s’indignaient de nouvelles dispositions bientôt applicables aux enfants décédés durant la grossesse ainsi que d’une reconnaissance de paternité facilitée des pères non mariés. Il s’agit de leur attribuer un nom à l’état civil pour faciliter le deuil et une place symbolique dans la société. Mais, au nom de « la lutte contre tous les conservatismes », les voici invitant la société à combattre cette « horrible » avancée sociale en faveur des familles… et ça marche ! Le MR a suivi comme un mouton. Je cite « La Libre » (du 2 mars, page 6) : « Toute évolution visant à produire un acte de naissance pour le fœtus est exclue », a réagi Denis Ducarme. Le député MR a également averti que les libéraux combattraient « toute législation nouvelle qui fragiliserait l’avortement ».

Une inversion logique

Informaticien formé à la philosophie, je n’ai pas la prétention morale de me placer au-dessus de ces Cicéron des temps modernes. Je dois avouer néanmoins que mon esprit désespérément logique n’a pu déceler que fort peu d’arguments valables dans ces discours. De fait, je n’en ai vu qu’un : on veut pouvoir avorter. Mais est-ce réellement un argument valable ? On peut noter qu’il n’est pas énoncé en vue d’un progrès législatif, mais plutôt en vue de conserver un « droit fondamental » non mentionné dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH). Par contre, il y est bien écrit que tous les êtres humains ont une égale dignité, y compris comme père à l’égal de la mère, ou comme enfant indépendamment de sa condition, y compris de son âge (Préambule). De plus, dans la Déclaration universelle des droits de l’enfant, il est stipulé que tout enfant a le droit de connaître son père et sa mère… (Art. 6)

Du juridisme face à la réalité des femmes ? Bien. Que dit la science ? La biologie dit qu’il y a un nouvel être vivant dès la fusion des gamètes, c’est-à-dire, dès le moment où le spermatozoïde du père a rencontré l’ovule de la mère. On apprend ça… à l’école primaire. Donc, ce qu’il y a dans le ventre d’une femme enceinte, c’est le corps d’un nouvel être humain vivant, distinct de sa mère, puisque son code génétique est unique et cela, dès le début. Pas besoin de délai légal ou de projet parental pour que l’enfant existe. Il est là. Le délai, en semaines d’aménorrhée, de dépénalisation de l’avortement, est un choix législatif arbitraire soucieux d’éviter les abus à la hausse, pas une description de la réalité biologique.

Nos doctes savants socialistes et libéraux raisonnent donc à l’envers. La première question ne devrait pas être « je fais ce que je veux ! », et la seconde « comment étendre notre droit ? », mais plutôt « comment faire le bien ? », suivie de « s’agit-il d’un être humain ? ».

Tout individu a droit à la vie

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne (DUDH, Art. 3). Mais on entend encore : « C’est un mensonge, cette chose ne peut pas être un être humain vivant comme nous, sinon, nous n’aurons plus le droit d’avorter comme nous le voulons » ou « cette reconnaissance de paternité ne peut se faire, sinon cela signifierait qu’il s’agit d’un être humain » ou « ces couples qui souffrent à cause d’une fausse couche, il faut qu’ils comprennent qu’ils n’ont pas perdu un fils ou une fille ». Oubliant, à nouveau, que l’argument de l’émotionnel est le plus mauvais pour énoncer un droit, ils en viennent à se braquer sur de sempiternels cas particuliers, toujours les mêmes. A croire que la plupart des avortements concernent le viol d’une jeune fille dont la vie est menacée par la grossesse.

Bien entendu qu’aucune femme ne devrait en venir à envisager l’avortement pour son enfant et subir une telle violence ! Mais, plutôt que d’idéaliser une loi d’exception, on devrait trouver des solutions globales, structurelles et inclusives pour chacun et chacune. Passer d’une solidarité minimaliste à la fraternité. Devenir une société généreuse, c’est là que se situe le nouveau combat sociétal, le véritable humanisme intégral.

Pourquoi ces élus restent-ils dans le dogmatisme, même envers des initiatives qui consolent des victimes ? « C’est un droit fondamental » n’est pas un argument, mais une pétition de principe. De l’avis des concepteurs de la loi de dépénalisation de l’avortement, ce dernier devait rester une pratique rarissime (Simone Veil, Discours à l’Assemblée nationale, 26-11-74) et une législation temporaire (Cinq ans en France, le temps de mettre en place des dispositifs d’accueil : loi n° 75-17 du 17-01-75, art. 2). « Disposer de son corps » défie toute logique, comme on a pu l’énoncer plus haut. Il ne s’agit plus du corps de la mère, mais du corps de l’enfant dans celui de sa mère.

La mort de la pensée

Que deviennent donc nos honorables défenseurs des droits de l’homme et de la femme lorsqu’on leur explique tout ceci ? On peut résumer leur façon de réagir au concept développé par Hannah Arendt : la pensée suspendue. On arrête de penser tout ce qui pourrait remettre en cause son confort mental : « Tout ce qui pourrait transgresser, de près ou de loin, le dogme de l’avortement, que ce soit une action législative ou économique, un geste ou une parole, un bien ou un mal, quoi que ce soit de vrai ou faux, réel ou imaginaire, est par principe mauvais, mensonge, toujours conservateur et à combattre. »

Aux Etats-Unis, la militante pro-avortement Naomi Wolf souligne pourtant à quel point cette attitude de déni a nui à son mouvement. Nier la réalité profonde du dilemme éthique auquel nous soumet cet acte, dit-elle, mène « à la dureté du cœur, au mensonge, et finalement à l’échec politique ». Cette dureté de cœur et hypocrisie, nous en avons un bon exemple aujourd’hui, avec ces sorties incroyablement déplacées envers les familles en deuil et les pères en attente de reconnaissance. Nos chers élus seraient bien inspirés d’écouter ces paroles.

Ce texte a été publié comme article d’opinion dans « La Libre Belgique » du 23 mars 2017 sous le titre « Pourquoi refuse-t-on de donner un nom aux enfants décédés durant la grossesse ? ». Alain Tiri est informaticien, formé à la philosophie et jeune cdH. Source : http://www.lalibre.be/debats/opinions/pourquoi-refuse-t-on-de-donner-un-nom-aux-enfants-decedes-durant-la-grossesse-opinion-58d2a6cecd70a15c9a4e6380. Voir aussi Le « libre choix » d’enterrer mon enfant.