Le Professeur Hans-Ludwig Kröber, spécialisé en psychiatrie, démonte le lien supposé entre célibat et pédophilie
Le Professeur Hans-Ludwig Kröber, Directeur de l’Institut de Médecine légale psychiatrique de l’Université Libre de Berlin, est l’un des professeurs les plus célèbres de sa spécialité en Allemagne. Kröber enseigne et fait de la recherche à la « Charité », une clinique liée à l’Université Libre de Berlin et à l’Université Humboldt. Plus de la moitié des prix Nobel allemands proviennent de cette institution.
Ses déclarations présentent un intérêt particulier car Kröber, qui dans sa jeunesse a milité dans la jeunesse communiste, se proclame publiquement athée, alors que ses recherches sont fort appréciées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du Vatican. L’Institut de Kröber réalise en permanence des études sur d’anciens cas de pédophilie et, tous les ans, il publie des rapports sur les auteurs et les victimes de délits d’abus sexuel sur mineurs. Le professeur s’est occupé personnellement de la problématique des ecclésiastiques lorsqu’en 2003, il a fait partie d’une commission d’experts créée par le Vatican.
Dans ses déclarations, Kröber assure que « le véritable problème de l’Eglise Catholique réside surtout dans les prêtres homosexuels qui ne sont pas capables de vivre ou ne veulent pas vivre l’abstinence sexuelle et qui en même temps essaient de dissimuler leur condition, au point d’entretenir parfois des relations avec des homosexuels de secteurs socialement marginalisés. » Les recherches menées par le professeur l’ont aussi convaincu que « l’autre source de problèmes, ce sont les prêtres qui entretiennent des relations hétérosexuelles », bien qu’il reconnaisse que les communautés paroissiales allemandes tendent à être plus compréhensives envers les prêtres ayant une concubine.
« Naturellement, il est toujours possible de combattre le célibat et de défendre le point de vue de Luther ; mais, vu que les auteurs d’abus sexuels sur mineurs sont extrêmement rares parmi les personnes célibataires, en aucun cas on ne peut dire que le célibat est la cause de la pédophilie. » « Le pédophile-type n’est jamais une personne qui s’efforce de vivre l’abstinence sexuelle », conclut Kröber.
L’attention est centrée sur les moins dangereux
Ce qui inquiète le plus le professeur allemand, qui a rendu des avis lors de célèbres procès —par exemple, sur le terroriste Christian Klar de la Rote Armee Fraktion (RAF)—, est que l’attention de l’opinion publique est attirée vers le secteur qui présente le moins de danger pour les mineurs, en tout cas en Allemagne. « S’il faut émettre des soupçons hypothétiques, il faudrait tenir compte que le risque est plus grand dans un club sportif et que le nouveau compagnon d’une mère célibataire ou divorcée peut constituer un plus grand danger pour un mineur, tant pour ce qui a trait à la violence qu’à l’abus sexuel. »
« Il n’est pas nécessaire de démontrer statistiquement que le célibat ne cause pas la pédophilie (même si, naturellement, certains pédophiles optent pour le célibat), de même qu’il n’est pas nécessaire de le faire dans le cas d’un entraîneur de football ou d’un coiffeur », dit Kröber, argumentant qu’« il s’agit d’un fait prouvé par la médecine du sexe, comme le fait qu’un baiser ne cause pas la grossesse ni la masturbation un ramollissement de la colonne vertébrale. »
Les véritables pédophiles sont des personnes qui ont déjà eu une forte activité sexuelle précoce et non des personnes adultes avec une « superproduction hormonale » par manque de partenaire. La croyance que le manque de partenaire débouche tôt ou tard sur la perte de l’orientation sexuelle originelle est « scientifiquement une bêtise. »
Selon Kröber, qui base ses affirmations sur des statistiques provenant des tribunaux allemands et de l’Eglise, personne ne devient pédophile par manque de contacts sexuels avec une personne adulte. « Après une phase d’abstinence sexuelle, on ne commence pas tout d’un coup à rêver de mineurs en cessant de rêver à des femmes attirantes : pour un homme hétérosexuel, les garçons sont et resteront sans intérêt. » Dans une étude statistique détaillée, Kröber démontre qu’en Allemagne, la probabilité qu’un célibataire commette un abus sexuel est de 1 sur 40. Dans les cas répertoriés en Allemagne, depuis 1995, seulement 0,045% des auteurs suspectés d’abus sexuels sont prêtres ou religieux. Concrètement et dans le cas d’abus sexuel sur mineurs, l’étude démontre que la proportion de délinquants célibataires ecclésiastiques comparée aux personnes non célibataires est de 1 sur 40, dans les cas de suspicion de délit, et de 1 sur 22 dans les cas de condamnation.
Kröber est frappé par le fait qu’après huit semaines de débat public, on n’ait révélé aucun cas de suspicion de délit enregistré ces dernières années. Le fait qu’on ressorte aujourd’hui des faits s’étant produits en 1952 démontre les difficultés rencontrées par ceux qui parlent d’une épidémie de pédophilie (actuelle) parmi les ecclésiastiques. Au collège Canisius d’Allemagne, il a fallu retourner vingt ans en arrière pour détecter trois cas suspects. Des 9.500 délits de ce type enregistrés à Berlin depuis 1995, aucun n’est en rapport avec le collège des Jésuites.
Ricardo Estarriol est un journaliste en poste à Vienne. Il a publié cet article dans l’agence Aceprensa le 23 mars dernier. On peut consulter le texte original en espagnol sur http://www.aceprensa.com/articulos/2010/mar/23/el-celibato-no-es-la-causa-de-la-paidofilia/ . La traduction a été assurée par Carine Therer.