Les Journées Mondiales de la Jeunesse, qui auront lieu du 16 au 21 août à Madrid, en présence de Benoît XVI, sont centrées cette année sur le thème suivant : « Enracinés et fondés dans le Christ, affermis dans la foi » (cf. Col 2, 7). Le pape explique ce thème dans son message pour les JMJ 2011, que didoc.be commente en deux parties.
A première vue, l’expression de Saint Paul, « enracinés et fondés dans le Christ », n’a pas l’air très en phase avec notre temps : « m’enraciner » dans une autre personne s’apparente à une attache, à une entrave pour ma liberté de mouvement, pour mon autonomie. « Me fonder » en quelqu’un d’autre signifierait que je ne suis pas mon propre maître.
Il semble au contraire que, pour vivre intensément, pour faire un maximum d’expériences, s’éclater, bouger, voyager, s’amuser, être complètement libre de ses mouvements, il faut « s’enraciner » et « se fonder » d’abord et avant tout dans sa propre personnalité.
La vraie liberté
Et pourtant, on constate que l’affranchissement de toutes les règles, les expériences « tous azimuts » mènent souvent à la déception, à une sorte de dégoût, parfois même au suicide. Il y a des « prises de liberté » qui rendent esclaves (alcool, drogue, sexe, etc.).
Comment expliquer ce paradoxe ? Prenons deux exemples.
Premier exemple : notre « liberté de mouvement ». Notre corps, constitué à l’âge adulte de 60 billions de cellules, est libre de ses mouvements. Mais si ce corps n’était pas enraciné et fondé dans un programme génétique unique, présent dans chacune de ses cellules, il ne formerait pas un tout harmonieux, capable de poser des gestes autonomes. Une atteinte à ce programme génétique — une mutation, par exemple — peut conduire à l’anarchie de la reproduction cellulaire, au cancer, à la désorganisation du corps, et finalement à la mort, c’est-à-dire à l’absence de toute « liberté de mouvement ».
Second exemple : notre « liberté d’expression ». Elle s’exerce à travers des écrits et des paroles, à travers la langue. Mais nos phrases n’ont une portée que si elles sont enracinées et fondées dans une syntaxe, une grammaire, une série de règles. Celles-ci font s’agencer nos mots pour qu’ils soient le véhicule de notre communication, de notre « liberté d’expression ». Qui profère des mots au mépris de la grammaire produit du bruit, et reste enfermé dans l’incommunicabilité la plus complète.
Revenons maintenant à notre liberté fondamentale, celle de la personne humaine. Notre cœur, qui est fait pour aimer, et pour aimer passionnément, doit être enraciné et fondé dans l’Amour, qui s’est révélé dans le Christ. L’amour possède un « programme génétique », une « grammaire » qu’on trouve en Jésus, Celui qui est l’Amour. Sans cette racine, sans ce fondement, le cœur produit des sentiments, des pulsions, des passions qui, loin d’exprimer les gestes et les mots de l’Amour, souvent les contredisent.
« Ce qui est nécessaire pour atteindre le bonheur, ce n’est pas une vie facile, mais un cœur plein d’amour » (Saint Josémaria, Sillon 795), un cœur enraciné et fondé dans l’Amour.
Notre liberté, sans le Christ, n’est qu’une liberté factice, déracinée, sans fondement : nous crions « Liberté ! Liberté ! » mais, en fait, nous ne faisons pas ce que nous voulons. Comme l’explique Saint Paul (cf. Rm 7, 19), très souvent nous ne faisons pas le bien que nous nous proposons de faire et nous réalisons le mal que nous voudrions éviter. Nous n’arrivons pas à aimer les autres comme ils le méritent, nous sommes confrontés continuellement à nos faiblesses, à nos limitations. Il nous faut accepter que notre nature humaine a besoin d’être sauvée, d’être guérie, purifiée et élevée. Saint Paul le crie : « Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! » (Rm 7, 24-25).
Le GPS de ta vie
« Enracinés dans le Christ » : nous sommes comme des arbres, dont toute la vitalité vient des racines. Et nos racines, à nous créatures, se trouvent dans celui qui nous a créés et sauvés, Jésus-Christ. Nous sommes enracinés dans le Christ par le baptême, par l’Eucharistie, par notre vie de prière, nous sommes enracinés dans la miséricorde de Dieu par le Sacrement de la Pénitence.
Dans son message, au n. 2, le pape cite le prophète Jérémie : « Béni l’homme qui se confie dans le Seigneur, dont le Seigneur est la foi. Il ressemble à un arbre planté au bord des eaux, qui tend ses racines vers le courant : il ne redoute rien quand arrive la chaleur, son feuillage reste vert ; dans une année de sécheresse, il est sans inquiétude et ne cesse de porter du fruit » (Jr 17, 7-8).
« Se confier dans le Seigneur » : qu’est-ce que cela veut dire ? Le pape nous invite ici à la prière, ce qui, pour les jeunes, est une tâche ardue. Et c’est compréhensible :
- le jeune vit dans le bruit, tandis que la prière est silence
- il vit dans la recherche de la sensation, là où la prière cherche la vérité du Christ
- on le pousse à bouger tout le temps, mais prier, c’est s’arrêter pour contempler le visage du Christ
- on l’abreuve continuellement d’images alors que, dans la prière, on ne voit rien à l’extérieur, parce qu’il faut « voir » à l’intérieur de soi
- le jeune communique sans arrêt, sur Facebook, Twitter, etc., mais il n’a pas appris à ouvrir son cœur à quelqu’un
- la société exige de lui efficacité et rendement, tandis que la prière est amour désintéressé.
La prière suppose un combat intérieur contre le brouhaha, la dissipation, la superficialité, le sentimentalisme ou l’appât du gain. Il faut apprendre à se recueillir, à rassembler toutes ses forces intérieures pour entrer dans le sanctuaire de son âme, où Jésus se rend présent, si on ne le rejette pas. Il est bon de consacrer tous les jours quelques minutes au dialogue avec Dieu. Alors on fait l’expérience que la prière est aussi un don, un cadeau que Dieu fait : « De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables » (Rm 8, 26).
On finit par comprendre que la prière est le GPS de la vie, le Global Positioning System qui permet de se situer et de s’orienter. Dans la prière, on trouve Jésus, qui a dit de Lui-même : « Je suis le chemin » (Jn 14, 6).
Stéphane Seminckx est prêtre, docteur en médecine et en théologie.