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La direction spirituelle pour les laïcs

30 mars 2019

 

Dans ce texte synthétique, l’auteur brosse les traits essentiels de la direction spirituelle. Il nous rappelle que cette pratique « ouvre des horizons et fait entrevoir la grandeur des plans de Dieu pour chacun ».

 

 

La direction spirituelle accompagne l’action de l’Esprit Saint pour la croissance de la vie chrétienne dans la perspective de l’appel universel à la sainteté (cf. Ep 1, 4). Comment devenir saint ? Seul Dieu sanctifie, c’est pourquoi l’analogie avec le coaching aurait ses limites, mais l’Église est une communion où nous nous entraidons pour vivre l’Évangile. Nous ne sommes pas seuls ! La direction spirituelle, dit Benoît XVI, illustre « l’ecclésialité de notre foi » (Discours, 16 novembre 2009).

Fondée sur la liberté et la responsabilité, la direction spirituelle les valorise. Pour s’orienter vers la plénitude de la charité, participation à la vie du Christ, et grandir en fils de Dieu, la liberté est essentielle. « L’Esprit Saint, dans la mesure où il nous constitue amoureux de Dieu, nous incline à nous conduire de telle sorte que notre conduite soit volontaire. Sous l’action de l’Esprit Saint, les fils de Dieu se conduisent donc librement, par amour » (saint Thomas, Summa contra gentiles, IV, 22). Aussi la direction spirituelle aide-t-elle à percevoir et à mettre en pratique ce que Dieu veut, en donnant des lumières nécessaires car la liberté dépend de la vérité (cf. Jean-Paul II, Veritatis splendor, 34).

Les laïcs doivent être guidés par leur conscience chrétienne pour ordonner les choses temporelles selon Dieu (cf. Lumen gentium, 31, 36) : toute la vie entre dans le champ de la direction spirituelle, mais pas n’importe comment. Les décisions de chacun dans les domaines familiaux, sociaux ou professionnels, sont libres et responsables. Si la direction spirituelle apporte un éclairage sur la bonté morale d’une action, elle ne dicte pas pour autant de solution toute faite. Elle invite plutôt la personne à confronter sa vie avec l’Évangile et à discerner, dans la prière, ce qu’elle doit faire : l’unique modèle est le Christ. Si l’on s’ouvre de questions professionnelles ou autres, ce n’est que pour apprendre à exercer les vertus chrétiennes ; c’est pourquoi les aspects « techniques » ne doivent pas être traités dans ce cadre, moins encore s’ils tombent sous le secret professionnel.

Avec la croissance de la foi, de l’espérance et de la charité, la direction spirituelle doit avant tout encourager la relation personnelle avec Dieu : prière (vocale et mentale), confession, Eucharistie comme centre de la vie ; familiarisation avec l’Écriture, prophétie de notre existence ; sens du sacrifice ; capacité d’examen. La connaissance et l’acceptation de soi conduisent à la maturité de l’unité de vie, sous le regard amoureux de Dieu.

La direction encourage le témoignage de la foi : valoriser les gens qui nous entourent, apprendre à les aimer, savoir manifester comment nous vivons notre foi, car l’amitié avec Dieu mène à l’apostolat, et réciproquement. Elle aide à découvrir le Christ qui passe dans notre vie, souvent avec la Croix : la mort d’un proche, les souffrances d’un être cher, des problèmes de santé. La joie ne doit pour autant jamais manquer, au contraire : seule la présence du Christ en donne la vraie dimension, qui est la participation à l’amour rédempteur de Dieu.

Qui dirige autrui doit respecter son style de vie spirituelle (cf. Code de droit canonique, c. 214), être prudent, humble, ancré dans la prière et fidèle à l’Église. « Par-dessus les conseils privés, il y a la loi de Dieu, qui est contenue dans la Sainte Écriture et que le magistère de l’Église — assistée par l’Esprit Saint — conserve et nous propose. Lorsque les conseils particuliers contredisent la parole de Dieu telle que nous l’enseigne le magistère, il faut s’écarter fermement de ces opinions erronées. […] La direction spirituelle doit tendre à former des personnes au jugement sain » (saint Josémaria Escrivá, Entretiens, 93). La primauté de la grâce exclut tout attachement excessif.

Comment se déroule la direction spirituelle ? Beaucoup de facteurs interviennent. Le rendez-vous, sur mesure, hebdomadaire, bimensuel ou mensuel, peut durer 15 minutes, une demi-heure ou plus : la régularité et la sincérité, jointes à la conviction que l’essentiel est ce que Dieu fait, devraient permettre une certaine brièveté. La conversation, en soi distincte de la confession sacramentelle, peut se tenir dans des lieux communs, voire même, par exemple, en marchant dans un jardin public ; la prudente expérience du confessionnal muni d’une grille fixe lorsqu’une femme a recours à un prêtre correspond à un droit réciproque (cf. Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei, 9).

La direction spirituelle invite au choix d’un examen particulier, qui vise à la maîtrise d’un défaut dominant (par exemple vaincre son désordre par un effort de ponctualité pour terminer son travail et rentrer chez soi sans retard excessif) ou à faire fructifier tel ou tel talent ; cet examen peut aussi renvoyer au temps liturgique (effort pour être plus joyeux pendant le temps de Noël, modéré à table pendant le Carême). On fixe un livre de lecture spirituelle, depuis la Bible et les Pères, jusqu’aux textes du magistère le plus récent, dont le Catéchisme de l’Église catholique, en passant par les grands classiques de la spiritualité.

La direction spirituelle ouvre des horizons et fait entrevoir « la grandeur des plans de Dieu pour chacun » (Benoît XVI, Discours, 9 mai 2007) : elle doit conduire à affermir l’espérance dans la divine Providence et la confiance en la médiation maternelle de Marie, modèle de docilité aux inspirations de l’Esprit.

Diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Paris, Docteur en théologie, Mgr Guillaume Derville a été directeur spirituel de la prélature de l’Opus Dei. Il est également l’auteur d’ouvrages de spiritualité. Source : cet article a été publié dans le numéro 225 de la revue La Nef (Paris) d’avril 2011.