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Les Chrétiens dans l’empire romain

22 avril 2015

 

Les premiers siècles du christianisme sont une grande source d’inspiration. Dans son livre « Les Chrétiens dans l’empire romain. Des persécutions à la conversion », Anne Bernet retrace l’histoire des débuts de l’Eglise, depuis le martyre du diacre Etienne jusqu’aux persécutions fomentées par l’empereur Julien à la fin du 4ème siècle.

 

« Je crois les histoires dont les témoins se font égorger », disait Pascal. Parmi les premiers chrétiens, on trouve des lâches et des apostats, mais aussi d’innombrables héros et martyrs. Selon l’étymologie, « martyr » veut dire « témoin », en l’occurrence celui ou celle qui préfère mourir plutôt que de renier le Christ.

Nous évoquons ces témoins dans le canon romain de la messe : « dans la communion de toute l’Eglise, nous voulons nommer en premier lieu la bienheureuse Marie (…), saint Joseph (…), les saints Apôtres et Martyrs (…) et tous les saints » ; dans la seconde partie de cette prière liturgique, nous implorons Dieu de nous admettre « dans la communauté des bienheureux Apôtres et Martyrs (…) ». A chaque fois, l’Eglise, en plus du nom des Apôtres, cite nommément des Martyrs comme Lin, Clet, Clément, Ignace, Félicité et Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, etc.

« Le sang des martyrs, semence de chrétiens », disait Tertullien. Qui sont ces hommes et ces femmes qui ont constitué cette grande source de fécondité pour l’Eglise ? Anne Bernet nous le raconte dans un livre très bien documenté, d’un excellent style littéraire. Elle y alterne le récit et l’analyse, ponctués par la présentation de tableaux vivants de la foi héroïque des premiers chrétiens. Le résultat est un livre instructif et agréable à lire.

Ce récit ne sert pas seulement à notre érudition : il nous plonge dans cette « communion de toute l’Eglise », que nous célébrons tout particulièrement dans l’Eucharistie. Qui lit et médite « Les chrétiens dans l’Empire romain » s’identifie davantage avec le Corps Mystique de l’Eglise, ce Corps qui demeure au-delà des limites du temps et de l’espace, à la fois ressuscité et marqué à tout jamais par les plaies de la Passion.

Le Concile Vatican II a cru bon de rappeler quelle est la place du martyre dans l’Eglise : « Jésus, le Fils de Dieu, a manifesté sa charité en offrant sa vie pour nous : nul donc n’a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour lui et pour ses frères (cf. 1 Jn 3, 16 ; Jn 15, 13). Dès l’origine, des chrétiens ont été appelés — et toujours certains le seront, — à rendre à la face de tous, et surtout des persécuteurs, ce suprême témoignage de l’amour. Aussi le martyre, où le disciple devient semblable au Maître, en acceptant volontiers la mort pour le salut du monde, où il lui devient conforme par l’effusion du sang, est-il estimé par l’Église comme une faveur du plus haut prix et la marque de la suprême charité. Et si ce privilège échoit au petit nombre, tous doivent cependant être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, dans les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église. » (Lumen Gentium 42)

Citer le Concile, c’est bien ; le mettre en pratique, c’est mieux. Sommes-nous disposés à vivre la « marque de la plus haute charité », à accueillir le martyre comme « une faveur du plus haut prix » ? Pour nombre de nos frères et sœurs dans la foi, la question est loin d’être théorique. Selon « Le Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde », 150 à 200 millions de catholiques, protestants, orthodoxes sont actuellement persécutés dans le monde.

Parmi eux, un nombre croissant paient cette persécution au prix de leur vie. Ainsi Shahbaz Bhatti, homme politique catholique pakistanais tué en raison de sa foi en mars 2011, qui écrivait dans son testament : « De hautes responsabilités au gouvernement m’ont été proposées, et on m’a demandé d’abandonner ma bataille, mais j’ai toujours refusé, même si je sais que je risque ma vie. Je ne cherche pas la popularité, je ne veux pas de position de pouvoir. Je veux seulement une place aux pieds de Jésus. Je veux que ma vie, mon caractère, mes actions parlent de moi et disent que je suis en train de suivre Jésus Christ. Ce désir est si fort en moi que je me considérerais comme privilégié si, dans mon effort et dans cette bataille qui est la mienne pour aider les nécessiteux, les pauvres, les chrétiens persécutés au Pakistan, Jésus voulait accepter le sacrifice de ma vie. Je veux vivre pour le Christ, et pour Lui je veux mourir. » (cité par le cardinal R. Sarah, dans Dieu ou rien, p. 408)

Il est peu probable que nous soyons appelés un jour à verser notre sang pour le Christ. Mais nous devons respecter le témoignage des martyrs d’hier et d’aujourd’hui, et tâcher d’éviter la désinvolture qui peut réduire leur sacrifice à néant. C’est le cardinal Robert Sarah qui nous y invite. Evoquant le débat actuel sur le mariage et la famille, il écrit : « Pendant que des chrétiens meurent pour leur foi et leur fidélité à Jésus, en Occident, des hommes d’Eglise cherchent à réduire au minimum les exigences de l’Evangile » (Dieu ou rien, p. 409).

Mieux connaître la façon dont les premiers chrétiens vivaient leur vocation dans un climat souvent hostile ravive la Communion des saints. Notre foi en sort renforcée à l’heure de la nouvelle évangélisation, conscients que « tous doivent (…) être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, dans les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église. » (Lumen Gentium 42)

Stéphane Seminckx est prêtre, Docteur en Médecine et en Théologie. Références du livre : Anne Bernet, Les Chrétiens dans l’empire romain. Des persécutions à la conversion. Ier-IVe siècle, Tallandier, Paris 2013. Anne Bernet est historienne et juriste de formation. Elle a écrit de nombreux essais historiques.