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Le célibat sacerdotal, entre dogme et tradition

19 septembre 2013

L’interview, dans la presse du Venezuela, de Mgr Pietro Parolin, secrétaire d’État nommé, du pape François, a donné lieu à diverses interprétations. Mgr Tony Anatrella apporte des repères pour savoir comment situer cette explosion médiatique. Nous reproduisons ici une interview qu’il a accordée à Anita Bourdin, de l’agence Zenit.

Comment avez-vous réagi à l’interview de Mgr Parolin ?

Il faut lire intégralement l’interview qui a été donnée par Mgr Parolin au journal vénézuélien El Universal le 8 septembre 2013 dans laquelle le Secrétaire d’État répond plus largement aux questions du journaliste sur la situation de l’Église. Puis il doit réfuter une distinction introduite par le journaliste qui pose problème quand il s’interroge sur deux types de « dogmes » : certains qui seraient « amovibles » pendant que d’autres seraient « changeants ». Or ces deux types de « dogmes » n’existent pas. Mgr Parolin répond très logiquement et avec raison que le célibat des prêtres n’est pas un « dogme ». L’Église ne l’a jamais présenté de cette façon. De ce fait, la presse s’embrase sur une seule phrase pour faire toutes sortes hypothèses largement infondées. Une fois de plus, une phrase est sortie de son contexte pour lui faire dire tout et son contraire. Il devient de plus en plus difficile de parler sans que la pensée soit détournée à des fins partisanes. Les journalistes ont ainsi pensé et parlé à la place de Mgr Parolin. Certains sont même allés jusqu’à affirmer que cette réponse était concertée entre le Pape et son Secrétaire d’État, et que, sans doute, on assisterait dans les prochains mois à des remises en question. Ce qui est bien sûr injustifié. Mais le journaliste, comme l’ensemble de l’opinion publique, savent-ils encore ce qu’est un « dogme » ?

Le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) au n. 88 et suivants, rappelle que le « dogme » est une vérité de foi reçue du Christ qui engage le peuple chrétien à une adhésion irrévocable, comme le Mystère de la Sainte Trinité. Il revient au Magistère de l’Église, qui agit et s’engage sous l’autorité du Christ, de définir les dogmes contenus dans la Révélation divine et d’en montrer les conséquences pour la vie de l’Église, la vie spirituelle et le comportement moral.

Comment se forment les « dogmes » ?

Leur formation est liée à la découverte du contenu de la Révélation divine. Ainsi, dans les premiers siècles de la vie de l’Église, les divers conciles qui rassemblaient les évêques sous le Magistère de Pierre, ont précisé progressivement le contenu rationnel de la foi chrétienne en méditant, en priant et en vivant la Parole de Dieu. Ce ne fut pas toujours facile, ni sans conflits puisqu’il fallait déjà faire la part des choses entre les idées, voire les idéologies d’une époque, et les vérités de foi au Christ découvertes au sein de son Église. Certains ne se privèrent pas de fabriquer leur propre doctrine et de fonder des sectes ce qui donna souvent lieu à des schismes, à des hérésies et à des apostasies qui réapparaissent régulièrement dans l’histoire. Nous sommes ainsi actuellement en pleine hérésie pélagienne (seule compte la volonté humaine pour ne pas dire le désir) et montaniste (négation de toute hiérarchie ecclésiastique). Le Pape François, après le Pape Benoît XVI, rappelle sans cesse que le Christ est indissociable de l’Église. Croire au Christ tout en négligeant l’Enseignement de l’Église est une contradiction intellectuelle et morale, et une attitude anti-chrétienne.

Bref les dogmes, entendus comme vérités de la foi au Christ et résumés dans le Credo, ne changent pas, ils s’approfondissent, comme nous ne cessons pas d’explorer le sens de l’Incarnation du Christ et du Mystère de l’Église.

Si l’héritage de la foi est confié à l’Église, qu’en est-il du célibat sacerdotal qui ne serait pas un « dogme » ?

Dans son interview Mgr Parolin rappelle précisément que « l’Église ne peut jamais changer au point de s’adapter totalement au monde. … L’Église a une constitution, une structure, un contenu qui sont ceux de la foi, et personne ne peut les changer ». Autrement dit, si le célibat des prêtres n’est pas un « dogme », au sens de ceux contenus dans le Credo, il demeure une exigence théologique dépendant de la conception du sacerdoce que l’Église a reçue du Christ. Elle appartient à la Tradition qui structure l’Église, c’est-à-dire qu’elle est l’une des conséquences des vérités de la foi au Christ-Prêtre. Elles ont été découvertes et vécues dès le début de la vie ecclésiale. Il y a donc un lien et une distinction entre Dogme et Tradition pour définir les réalités chrétiennes. Cette différence, sans qu’elle soit une opposition, est une subtilité de la pensée difficile à saisir par des médias parfois prisonniers des idées courtes et de leurs interprétations projectives et qui ne cherchent pas à comprendre l’originalité et la profondeur d’une pensée religieuse. Nous sommes ainsi conditionnés par une excitation médiatique qui tourne en boucle et à des clichés qui ne sont pas raison. Il faut donc laisser passer la tempête médiatique pour retrouver le sens des choses, et ici du célibat sacerdotal.

Comment situer la Tradition dans l’Église ?

Dans la question posée par le journaliste vénézuélien et dans tous les commentaires qui ont pu être faits dans les médias, il y a une confusion entre la notion de Dogme et celle de la Tradition. C’est ce que laissait entendre Mgr Parolin en disant qu’il s’agit « d’une Tradition ecclésiastique », mais cela ne veut pas dire qu’elle est amovible et à la libre disposition de chacun en dehors de « la constitution de l’Église ». L’origine de la pensée de l’Église, afin de formuler les dogmes et leurs conséquences pratiques et morales pour le peuple chrétien, est dans « l’Ecriture Sainte et dans la Sainte Tradition ». L’une et l’autre sont normatives et servent de références au seul Magistère de l’Église à qui a été confiée « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu » (CEC, n. 84 à 87).

La Tradition ecclésiale transmise au cours des siècles n’est pas négligeable puisqu’elle est le résultat de la mise en perspective et en acte, par exemple pour la question qui nous occupe, du sens du sacerdoce dont le mode de vie s’incarne à l’image du Christ-Prêtre de façon nuptiale dans le don total de soi à Dieu et à son Église. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Secrétaire d’État affirme avec force : « l’effort qu’a fait l’Église pour instaurer le célibat des prêtres doit être considéré. On ne peut pas dire qu’il appartient simplement au passé. » Puis il ajoute pour rendre compte de l’existence d’un certain nombre de problèmes de comportement chez des prêtres : « C’est un grand défi pour le Pape, qui est à la tête du ministère de l’unité, et toutes les décisions doivent être prises dans le but d’unir l’Église, pas de diviser ».

Mgr Parolin est un homme de dialogue. Une attitude qui permet de voir la réalité en face, de discerner et d’approfondir les choses. En ce sens, il dit : « Aussi nous pouvons parler, réfléchir et approfondir ces sujets et songer à des modifications, mais toujours en tenant compte de l’unité, de la volonté de Dieu (…) et de l’ouverture aux signes des temps ». Que faut-il entendre ici ? Que la question est ouverte à la réflexion, mais certainement pas pour remettre en question l’engagement dans le célibat pour les prêtres qui est fortement structuré dans la Tradition ecclésiale. En revanche des aménagements sont possibles, comme par exemple ce que Benoît XVI a permis pour l’accueil des prêtres anglicans qui embrassent la foi catholique.

Les propos de Mgr Parolin ont donc été interprétés bien au-delà de ce qu’il voulait dire ?

Sans aucun doute. Certains médias ont affirmé rapidement, et souvent dans la méconnaissance de l’histoire du célibat, que la question du mariage des prêtres était relancée. Or rien n’est relancé et la réflexion continue comme toujours en dehors des caméras et des micros.

On s’est livré à une surenchère de reportages en allant souvent chercher d’anciens prêtres qui se sont mariés, ou des femmes qui vivent en concubinage avec des prêtres. Ils sont souvent présentés et « starisés » comme des « héros » alors que les prêtres qui sont fidèles à leur engagement seraient des gens qui ne connaissent pas l’amour. Ce sont pourtant eux qui sont les « héros » de Dieu. Il n’y a rien d’héroïque à être transgressif, c’est même le contraire ! Les gens qui sont parfois dans ce cas, le savent bien et sont envahis d’interrogations quand ils se sont laissé dépasser par leurs sentiments.

Les slogans partent vite et le public apprécie que soit mis en lumière et valorisés des situations anti-institutionnelles et transgressives. « L’Église est contre le mariage des prêtres et contre l’amour d’une femme ». L’Église n’interdit à personne de se marier ! Libre à chacun de choisir sa vie. Mais le sacerdoce ne dépend pas des idées que chacun se fait sur lui et encore moins de l’évolution de ses affects. D’ailleurs lorsque le célibat sacerdotal est accepté passivement, sans qu’une véritable réflexion psychologique sur sa vie affective et sexuelle ait été engagée pendant la formation initiale au Séminaire, on risque parfois d’assister à des éveils douloureux et à des implications affectives incontrôlées.

On annonce des chiffres importants de prêtres qui ne respecteraient pas le célibat ?

En vérité, on ignore complètement le nombre de personnes dans cette situation. Certains annoncent des chiffres fantaisistes et invérifiables de 25 à 30% de prêtres en délicatesse avec leur engagement. Il s’agit plus d’une construction que d’une réelle information. Cette surinterprétation de chiffres flirte avec une volonté idéologique de laïcs qui veulent marier les prêtres, alors que la grande majorité d’entre eux sont heureux de leur don et ne demandent rien. Ces revendications sont toujours extra-marginales. N’est-il pas curieux de constater cette volonté de vouloir marier les prêtres et les homosexuels à une époque où l’on passe son temps à dénoncer et à dévaloriser le mariage ?

De plus, là où le clergé est marié cela ne va pas sans poser divers problèmes. La naïveté contemporaine consiste à croire que le mariage résout les questions actuelles : déficit des vocations, solitude du prêtre, pédophilie, voire homosexualité dans le clergé. Le mariage n’a jamais été un accélérateur des vocations, une thérapie ou un antidote contre la pédophilie et un évitement de l’homosexualité. La pédophilie est pratiquée pour 80 à 90% dans les familles et des hommes mariés peuvent avoir des pratiques homosexuelles. Quant aux vocations, elles naissent dans des communautés où la foi est réelle et active. Ces affirmations sont des visions à courte-vue sur lesquelles, évidemment, l’Église ne peut pas s’aligner.

La seule question qui pourrait éventuellement se poser avec beaucoup de réflexion et de prudence, est de savoir s’il ne conviendrait pas d’ordonner des hommes d’âge mûr, mariés, dans des régions marquées de façon durable par l’absence de prêtres ? La réponse ne pourra « pas être universelle » et restera un problème pour l’unité et la cohérence de l’Église. Car là encore d’autres obstacles risquent d’apparaître et de faire reculer la pastorale des vocations basée sur un clergé célibataire. Il n’est pas évident de faire coexister deux systèmes qui ne serviraient pas « l’unité de l’Église ». Ce qui veut dire qu’avant de se précipiter sur des solutions séduisantes aux yeux des médias, il est indispensable d’analyser des situations particulières là où le clergé dans son ensemble vit dans la cohérence du célibat consacré.

Comment comprendre ce que le cardinal Jean-Marie Lustiger expliquait, en substance, à savoir que l’Église catholique latine choisit ses prêtres seulement parmi des hommes ayant reçu un charisme vérifié de célibat ?

Dans la Tradition de l’Église latine le célibat est intrinsèque au sacerdoce sur le mode de la relation nuptiale du Christ à l’Église. C’est pourquoi d’ailleurs la Congrégation pour l’éducation catholique a rappelé dans une Instruction (qui canoniquement oblige les Ordinaires) que l’Église ne peut pas appeler aux Ordres sacrés des personnes homosexuelles.

Quant au lien théologique entre sacerdoce et célibat, Paul VI l’a souligné dans son encyclique sur Le célibat sacerdotal (1967) et Jean-Paul II dans Pastores dabo vobis (1992). Benoît XVI soutenait qu’il existe « un lien ontologique entre le sacerdoce et le célibat » (12 mars 2010). Tel est le résultat de la Tradition ecclésiale que nul ne peut modifier structurellement.

Le cardinal Lustiger avait raison de d’affirmer que le sacerdoce est lié au charisme du célibat qui permet d’authentifier l’appel de Dieu. Une vérité qui est attestée dès l’origine du Christianisme. En effet l’exigence du célibat sacerdotal ne commence pas au 12èmesiècle avec le concile de Latran, ni avec le concile de Trente (1545-1563), mais dès la période évangélique lorsque le Christ affirme que « certains se font eunuques pour le Royaume de Dieu ». Cette phrase laisse entendre que déjà à l’époque évangélique, des disciples s’identifiaient au mode de vie du Christ. Les études récentes en exégèse et en histoire ont renouvelé les idées que l’on se faisait sur le célibat : un récent congrès à Rome l’a bien montré. On ne peut plus présenter le célibat comme une simple « exigence disciplinaire » de l’Église. Car qui peut donner sa vie pour une règle ? On ne peut donner sa vie qu’à une personne ici en l’occurrence à Dieu et à son Église à l’image du Christ puisque le prêtre est ordonné et configuré in persona Christi.

À écouter les médias le célibat aurait été imposé par l’Église au 12èmesiècle pour protéger les biens de l’Église. Des affirmations qui méconnaissent l’histoire puisque cette exigence a progressivement été vécue bien avant pour des raisons théologiques et spirituelles.

C’est saint Paul qui a commencé à organiser la pensée chrétienne sur la question du célibat ?

Oui ! Saint Paul, puis dès les premiers siècles les Pères de l’Église, puis les divers conciles ne vont avoir de cesse de chercher à vivre le sacerdoce selon le Christ-Prêtre dans le don total de soi. Il est vrai qu’au début certains évêques, prêtres et diacres étaient mariés, mais ce sont eux lors des conciles qui, réfléchissant sur le mystère du Christ-Prêtre, en sont venus à l’idée que le clergé devait être continent pour signifier leur don total à Dieu.

La continence a ainsi été première avant même le célibat et ceux qui ne respectaient pas ce mode de vie évangélique, étaient exclus de l’Ordre sacerdotal. Ce n’est que par la suite que le célibat s’est imposé. Nous retrouvons d’ailleurs cette signification dans le canon 227, 1 du Code de droit canonique qui dit : « Les clercs sont tenus par l’obligation de garder la continence parfaite et perpétuelle à cause du Royaume des Cieux et sont donc astreints au célibat ». C’est pourquoi d’ailleurs le Pape Benoît XVI a tenu à différencier le diaconat permanent qui n’appartient plus à l’Ordre sacerdotal (Enseigner, Gouverner et Présider) en le séparant du diaconat en vue du sacerdoce. Il est simplement un service de l’Église entre Elle et le monde.

Dès le 3ème et 4ème siècle, les conciles, ratifiés par le Magistère de Pierre, approfondiront et codifieront cette exigence de la continence et du célibat. Elle devra être rappelée en permanence pour des raisons théologiques. Il est ainsi impertinent de soutenir que le célibat sacerdotal n’a aucune base théologique. Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI, pour rester dans la période contemporaine, ont montré le contraire. Malheureusement cette question est insuffisamment travaillée, même par des théologiens dans nos Universités catholiques, et l’on en reste à des clichés que des médias se plaisent à répandre dans la désinformation la plus complète.

Est-ce que l’on peut comprendre le sacerdoce ministériel et le célibat sacerdotal sans référence au Christ Époux ?

Évidemment non ! C’est pourquoi d’ailleurs, je le répète, l’origine du célibat sacerdotal est théologique et non pas disciplinaire. Une « loi » disciplinaire peut se changer, mais pas une raison théologique inscrite dans la vérité de la Tradition ecclésiale. Personne n’est obligé de devenir prêtre. Il s’agit d’une « élection » divine comme l’affirme l’épitre aux Hébreux. Le Pape François l’a rappelé lors de son discours du 6 juillet 2013, aux séminaristes et aux novices en pèlerinage à Rome pour l’Année de la Foi, en les invitant à  vivre dans la joie du don et de la fécondité du « vœu de chasteté et du vœu de célibat », en exerçant, entre autres, « la paternité spirituelle ». Nous sommes loin d’une décision pontificale qui amenderait le célibat sacerdotal.

Le prêtre est ainsi ordonné à l’image du Christ-Époux. Il donne sa vie à Dieu pour le service de l’Église. Bien entendu cela nécessite d’être parvenu à la maturité affective et sexuelle qui permettra d’intégrer sa sexualité dans cette symbolique. La sexualité ce n’est pas seulement l’exercice ou l’abstinence de la génitalité, mais implique d’être capable de l’inscrire dans la symbolique du don de la personne (Jean-Paul II). Sinon, nous en restons à une question de pratiques ou d’orientations sexuelles qui sont du registre de la pulsion et pas de celui de l’être ; un niveau d’ailleurs que la « culture » actuelle ne permet pas toujours d’atteindre et de comprendre. Le discours médiatique reste dans une sorte d’utilité primaire de la sexualité comme pour évacuer des tensions émotionnelles que l’on confond avec l’amour sexuel.

Le prêtre qui est ainsi uni à l’Église, à un peuple qu’il aime, sert en communiquant la Parole de Dieu, la Caritas et le Christ sacrement. Il s’inscrit donc dans la logique du Sacerdoce christique.

Dans l’Église, le fait que l’on ne comprenne plus très bien le témoignage de la vie consacrée n’entraîne-t-il pas l’incompréhension du célibat sacerdotal ? Du choix qui se fait au moment du diaconat ?

Certainement. Le Pape François le soulignait dans son discours aux séminaristes et aux novices en insistant sur le fait que « nous sommes dans une culture du provisoire … qui ne facilite pas les choix définitifs … que ce soit dans le mariage, dans vie consacrée ou sacerdotale ».  Sans avoir à juger quiconque sur ces actes ce qui relève de Dieu seul, il faut constater que parfois certains prêtres ou religieux, faute d’analyser leur situation délicate au plan affectif, d’en parler à leur directeur spirituel, voire de consulter un spécialiste, se sont laissés entraîner dans des relations souvent complexes à l’occasion du ministère. La relation pastorale s’est ainsi transformée en relation intimiste et de séduction. L’un s’est laissé émouvoir par une femme seule avec ses enfants venant inscrire l’un d’eux au catéchisme. Un autre en voulant aider une femme divorcée ou un autre encore voulant « consoler » une femme en détresse. Nous pourrions multiplier les exemples, mais à chaque fois ce ne sont jamais des situations simples, mais plutôt très particulières. Le prêtre adoptant plus ou moins une posture de partenaire complémentaire pour tenter de réparer ou de compenser les problèmes de la personne. Il n’est pas forcément évident de former un couple de façon aussi réactionnelle.

Ce contexte exige de plus en plus une réelle formation à la vie consacrée, assumée comme telle en donnant le témoignage d’une vie donnée et sans partage à Dieu. Cette radicalité existe dans certaines religions mais avec des significations différences. Le célibat consacré dans le christianisme n’est pas un choix de « pureté » et de privation, mais de don de sa personne, signe du don de Dieu.

Au niveau sociologique, avec un regard un peu provocateur, ne peut-on pas considérer le célibat sacerdotal aussi comme une conquête du féminisme catholique : éviter d’infliger à une épouse de porter au quotidien le fait que son époux ne soit pas tout à elle et à leurs enfants mais avant tout à une paroisse ? Parce que, surtout, « à un Autre » ?

Vous ne manquez pas d’humour ! On peut effectivement entendre cet aspect bénéfique du célibat consacré, non pas comme une cause mais comme une conséquence heureuse. Il est vrai que le célibat consacré n’est pas d’abord voulu pour des questions de commodité d’emploi du temps ou encore de gestion des biens, mais comme un don unique et exclusif de sa personne à Dieu pour la mission confiée. La femme ne peut être instrumentalisée dans la vie d’un prêtre comme le laissent entendre des médias.

Il est vrai que dans la vie pratique, le prêtre a besoin de toute sa disponibilité pour se consacrer à la prière, à l’étude et à l’action pastorale. Il lui serait difficile d’avoir toute l’attention possible pour sa famille. Pour répondre à cette objection on prend l’exemple soit des Protestants, mais le pastorat dans cette communauté n’a rien à voir avec la théologie du sacerdoce de l’Église catholique ; soit des orientaux qui participent d’une autre Tradition et rencontrent d’autres difficultés spécifiques.

En revanche, le mariage chrétien conçu comme une élection libre, égale et responsable de la famille à égalité entre l’homme et la femme, s’accommode mal de l’autre symbolique, celle du sacerdoce où le prêtre agissant in persona Christi est au service de l’Église Épouse du Christ. Vivre ce n’est pas seulement accomplir des tâches mais s’est aussi s’inscrire et exister selon certaines symboliques. Le prêtre est ainsi essentiellement consacré à Dieu et ne pourrait pas être dans une symbolique de bigame !

Dans une société sécularisée et pragmatique, il est difficile d’accéder à la symbolique conjugale aussi bien d’ailleurs qu’à la symbolique sacerdotale qui est celle du don de sa personne à une autre personne aimée ou encore à un Autre, Dieu.

En définitive c’est le statut de l’amour qui est en question. Le prêtre n’est pas en déficit d’amour, il donne sa vie par amour et pour répondre à l’amour de Dieu. Il a conscience de ses désirs et assume sa sexualité dans cet amour. Mais dans un monde en mal d’intériorité, comprend-on encore aujourd’hui le langage de l’amour, de l’engagement et du don de soi ?

Mgr Tony Anatrella, psychanalyste et spécialiste en psychiatrie sociale, consulteur des Conseils pontificaux pour la famille et pour la santé, enseigne et consulte également à Paris. Il intervient dans les séminaires et dans le cadre de journées de formation sacerdotale sur les divers aspects du célibat sacerdotal. Il donne régulièrement un cours sur ce thème lors du Cours international des formateurs de séminaristes qui a lieu tous les ans pendant tout le mois de juillet à Rome depuis plus de 20 ans. Source : http://www.zenit.org/fr/articles/le-celibat-sacerdotal-entre-dogme-et-tradition.