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Crémation ou inhumation?

23 avril 2013

Dans un éditorial récent, l’archevêque de Malines-Bruxelles réfléchit sur les rites funéraires. Il le fait à l’occasion d’une visite qu’il a rendue à un crématorium de Bruxelles.

 

Lors de ma visite pastorale du doyenné de Vilvorde en janvier, il m’a été donné de faire de nombreuses découvertes, parmi lesquelles celle du fonctionnement d’un crématorium. C’était la première fois que je pénétrais dans ce sanctuaire de l’industrie moderne de la mort. Cela m’a profondément impressionné.

Grâce à la courtoisie de la direction, nous avons pu, les confrères prêtres qui m’accompagnaient, un ministre protestant, deux représentants de la laïcité et moi-même, assister à toutes les phases de l’opération. Celle-ci dure environ 80 minutes, mais comme il y a 3 fours juxtaposés, il est possible d’assister en même temps, à travers un hublot, à divers moments de la crémation. Dès que le cercueil contenant le corps pénètre dans le four à une température de plus de 800 degrés, le tout s’enflamme puissamment. Pendant la première partie de l’opération, on ne voit donc qu’une gerbe de flammes. Si l’on passe au four suivant, contenant un corps introduit plus tôt, on aperçoit le squelette entier, avec, au centre, une masse noire, à savoir le thorax contenant les poumons et le cœur, les parties du corps les plus résistantes à la crémation. Dans la dernière phase du processus, il ne reste plus que des cendres rougeoyantes, un peu comme des charbons incandescents. C’est à ce moment que, la température ayant baissé, un ouvrier ouvre la porte du four et, muni d’une sorte de râteau, racle les cendres pour les faire tomber dans un récipient, duquel on puisera, plus tard, les cendres destinées à l’urne funéraire, mais aussi à de petits tubes, en forme d’éprouvette, que les membres de la famille pourront emporter. Cette approche technique de la mort (environ 25 crémations entre 8h du matin et 8h du soir) m’a laissé un souvenir particulièrement macabre.

L’Eglise catholique n’est pas radicalement opposée à la crémation, même si elle exprime une nette préférence pour l’inhumation. Mais je note au passage que, si j’ai bien compris les commentaires des gestionnaires, les fidèles de l’Eglise orthodoxe et ceux du judaïsme et de l’Islam, recourent très peu, voire pas du tout, à la crémation, même si elle coûte moins cher que l’enterrement. Je salue donc la force de conviction de ceux et celles qui, préférant ne pas recourir à la crémation de leurs proches, sont prêts à en payer le prix.

La raison pour laquelle l’Eglise catholique préfère l’inhumation à la crémation est d’ordre symbolique. La réduction en cendres, surtout accompagnée de dispersion, suggère un anéantissement de notre corps terrestre, sa volatilisation intégrale. Par contre, même si ce qui se passe en terre n’est pas très joli, l’inhumation évoque plutôt le grain de blé qui, jeté en terre, y pourrit, certes, mais en vue d’une renaissance et d’une éternelle fructification. D’où la préférence accordée par les chrétiens à la mise en terre. Sans compter que, pour les catholiques, la communauté paroissiale dispose, dans le moindre village, d’une église qui peut accueillir la famille et les connaissances auprès du corps du défunt. Les autres cultes chrétiens ou la laïcité, ne disposant pas de cette facilité, s’accommodent plus aisément de célébrations organisées dans le crématorium. L’Eglise catholique ne refuse pas de vivre un temps de prière en ce lieu, un peu comme elle le fait au cimetière, mais elle donnera toujours résolument sa préférence à la liturgie célébrée à l’église et à l’enterrement au cimetière.

Dans ce témoignage, Mgr Léonard se fait l’écho de la disposition suivante du droit de l’Eglise : « L’Église recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ensevelir les corps des défunts ; cependant elle n’interdit pas l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne » (Code de Droit Canonique, c. 1176, § 3).

Ce texte a été publié comme éditorial dans la revue Pastoralia du mois d’avril 2013, sous le titre « Comme le grain de blé jeté en terre…»